
Pas d’extension de construction sans limite
12 septembre 2025Un candidat déguisé en lion peut-il distribuer des sucreries ?
Suite à la démission de plus d’un tiers des membres du conseil municipal de Villeneuve-Saint-Georges fin 2024, de nouvelles élections ont lieu les 26 janvier et 2 février 2025. Le candidat d’une liste qui s’était désistée entre les deux tours a saisi le tribunal administratif de Melun d’une protestation pour contester les résultats des élections.
Par un jugement n° 2501659 du 11 juillet 2024, le tribunal administratif de Melun a eu à examiner une protestation électorale dirigée contre les résultats des élections municipales de la commune de Villeneuve-Saint-Georges du 26 janvier 2025. Le requérant invoquait plusieurs moyens au soutien de sa requête.
Protestation et moyens invoqués
Le requérant a soulevé plusieurs moyens au long de l’instruction de sa protestation. Certains n’ont pas été examinés par le tribunal car ils ont été invoqués hors délai.
En effet, l’article R. 119 du code électoral précise que « les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d’irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l’élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif » et que « les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai ».
Dès lors, les griefs invoqués par le requérant postérieurement au délai de cinq jours étaient irrecevables et ne pouvaient qu’être écartés par le Juge administratif sans être examinés.
Domicile et inéligibilité
Le requérant soutenait qu’une des candidates élue n’était pas domiciliée dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges et qu’elle était de ce fait inéligible.
. La qualité d’électeur découle de l’article L. 11 du code électoral qui dispose que :
« I.- Sont inscrits sur la liste électorale de la commune, sur leur demande :
1° Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins et leurs enfants de moins de 26 ans ;
2° Ceux qui figurent pour la deuxième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Tout électeur ou toute électrice peut être inscrit sur la même liste que son conjoint au titre de la présente disposition ;
2° bis Ceux qui, sans figurer au rôle d’une des contributions directes communales, ont, pour la deuxième fois sans interruption l’année de la demande d’inscription, la qualité de gérant ou d’associé majoritaire ou unique d’une société figurant au rôle, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat […]
. Pour l’éligibilité, l’article L. 228 al. 2 du code électoral dispose que :
« Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu’ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l’année de l’élection ».
En l’espèce, si l’auteur de la protestation soutenait qu’une des candidates était frappée d’une « inéligibilité potentielle » sans plus de précision, le tribunal administratif a considéré que la seule circonstance que celle-ci ne résiderait pas de manière effective dans la commune est à cet égard sans incidence dès lors qu’il résulte des dispositions du code électoral que le fait d’avoir son domicile réel sur le territoire de la commune ne constitue qu’un des cas permettant d’être éligible au conseil municipal.
Code électoral et affichage électoral
Le requérant soutenait aussi que les candidats élus avaient organisé et bénéficié d’un affichage électoral illégal méconnaissant l’article L. 51 du code électoral qui dispose que :
« Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales.
Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats.
Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l’élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu’en dehors des panneaux d’affichage d’expression libre lorsqu’il en existe.
En cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus au présent article, le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats en cause, procéder à la dépose d’office des affiches. ».
L’auteur de la protestation évoquait deux circonstances que le tribunal a écarté en considérant :
D’une part, le fait d’aller à la rencontre des électeurs sous le déguisement d’un lion, présenté comme la mascotte de la liste conduite par une candidate et portant un vêtement à l’effigie de cette dernière ne saurait être regardé comme un « affichage ambulant » qui contreviendrait aux dispositions du code électoral.
D’autre part, si le requérant soutient que des affiches électorales de la liste conduite par une candidate ont été apposées en dehors des emplacements prévus à cet effet au cours de la campagne électorale, il n’apporte pas le moindre élément de nature à établir la réalité de cette allégation
Le moyen tiré du prétendu affichage illégal n’a pas été retenu.
Code électoral et manœuvres électorales
L’auteur de la protestation soutenait qu’une autre candidate aurait payé des électeurs en vue d’acheter leur vote en violation de l’article L. 106 du code électoral qui dispose que :
« Quiconque, par des dons ou libéralités en argent ou en nature, par des promesses de libéralités, de faveurs, d’emplois publics ou privés ou d’autres avantages particuliers, faits en vue d’influencer le vote d’un ou de plusieurs électeurs aura obtenu ou tenté d’obtenir leur suffrage, soit directement, soit par l’entremise d’un tiers, quiconque, par les mêmes moyens, aura déterminé ou tenté de déterminer un ou plusieurs d’entre eux à s’abstenir, sera puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 euros ».
Le tribunal a souligné qu’il n’appartient pas au Juge de l’élection de faire application de ces dispositions en ce qu’elles édictent des sanctions pénales mais qu’il lui revient de rechercher si des pressions telles que définies par celles-ci ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
D’une part, le Tribunal a écarté l’allégation du requérant portant sur l’achat de vote.
D’autre part, le Tribunal relève que, au cours de la campagne électorale, Mme B. et ses colistiers sont allés à la rencontre des électeurs devant plusieurs écoles de la commune avec une personne portant le déguisement d’un lion, présenté comme la mascotte de leur liste, qui a distribué des sucreries aux enfants présents.
Il relève également qu’il résulte de la décision de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques que ces sucreries ont été facturées à hauteur de 225 euros pour 1 500 pièces, soit un coût unitaire de 15 centimes. Alors qu’il n’est ni soutenu ni établi qu’elle visait des électeurs en particulier en vue d’acheter leur vote, et compte tenu de la modicité de la valeur des sucreries ainsi distribuées, cette action de communication électorale ne saurait être regardée comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin.
Le tribunal a donc rejeté la protestation.