La commune de Rouen a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un marché de travaux portant sur la restauration du massif occidental et des vitraux du Bras Sud du transept de l’Abbatiale de Saint-Ouen et comportant six lots. La société T.E.R.H. Monuments historiques a présenté une offre pour le lot n° 1 « maçonnerie – pierre de taille » du marché, composé de six lots. Elle a été informée, par un courrier du 28 septembre 2021, du rejet de son offre, classée en deuxième position, et de l’attribution du lot n° 1 à la société Normandie Rénovation. Elle a saisi le Juge des référés d’une demande d’annulation de la procédure de passation de ce marché.
Par un jugement n° 2103807 du 25 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé la procédure de passation menée par la commune de Rouen pour l’attribution d’un marché portant sur la restauration du massif occidental et des vitraux du Bras Sud du transept de l’abbatiale de Saint-Ouen au stade de l’analyse des offres.
Sur le fondement des articles L. 2142-1 et R. 2143-3 du code de la commande publique, le Tribunal a rappelé que :
Lorsqu’il est saisi par un candidat non retenu, le Juge du référé précontractuel ne peut censurer l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les niveaux de capacité technique exigés des candidats à un marché public, ainsi que sur les garanties, capacités techniques et références professionnelles présentées par ceux-ci que dans le cas où cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste.
En l’espèce, Ie règlement de la consultation, portant sur les documents devant être joints à chacune des candidatures, exigeait notamment pour le du lot n° 1 du marché litigieux, la production par les candidats de la certification Qualibat 1413 « Montage d’échafaudages fixes technicité supérieure » ou des références équivalentes de travaux de restauration d’édifices classés Monuments historiques, de période équivalente, en cours de réalisation ou réalisés au cours des cinq dernières années.
Par ailleurs, le règlement de la consultation précisait que le pouvoir adjudicateur applique le principe « Dites-le nous une fois », ce qui signifiait que les candidats n’étaient pas tenus de fournir les documents et renseignements déjà transmis dans le cadre d’une précédente consultation et demeurant valables.
Le Juge des référés relève que la société Normandie Rénovation, dont la candidature ne s’appuie sur aucun autre opérateur économique, n’établit pas ni même n’allègue être titulaire de la certification « Qualibat 1413 ». Il relève également que les références dont elle se prévaut concernant des travaux de restauration d’édifices classés Monuments historiques sont antérieures de plus de cinq ans à la procédure de passation du marché en litige et ne permettent pas de démontrer ses capacités techniques relatives au montage d’échafaudages.
De plus, il ressort des pièces du dossier que l’attestation pour les travaux de restauration du château de la commune de Clères, exécutés à travers le concours d’un groupement, ne précise pas la répartition des missions entre chacun de ses membres et n’indique ainsi pas si les opérations se rapportant aux échafaudages, dont cette attestation fait état, ont été réalisées par la société Normandie Rénovation.
Par ailleurs, le Tribunal relève que si la ville de Rouen se prévaut du mémoire technique de la société Normandie Rénovation, selon lequel celle-ci est susceptible de recourir à un sous-traitant, la société Reatub, qui aurait les capacités techniques et moyens adaptés au projet pour l’installation des échaudages, ce document se borne à faire état d’un recours potentiel à cette dernière société qui n’a pas, par ailleurs, produit d’engagement écrit d’exécuter les travaux.
Enfin, le Juge des référés a considéré que la circonstance que la société Normandie Rénovation était déjà attributaire de la première tranche des travaux de restauration de l’Abbatiale de Saint-Ouen ne saurait suffire pour établir qu’elle disposerait des capacités techniques et professionnelles suffisantes pour exécuter également la seconde tranche des travaux.
C’est donc très logiquement que le Tribunal a jugé que le dossier de candidature de la société Normandie Rénovation, qui n’est pas titulaire de la certification Qualibat 1413, ne saurait être regardé comme satisfaisant aux exigences posées par le règlement de la consultation.
Dès lors, en retenant la candidature de la société Normandie Rénovation, la ville de Rouen a entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation et méconnu ses obligations de mise en concurrence.
Le manquement du pouvoir adjudicateur, qui est intervenu au stade de la sélection des candidatures, est susceptible d’avoir lésé la société T.E.R.H. Monuments historiques, classée deuxième et requérante dans cette procédure. Elle était donc fondée à demander l’annulation, au stade de l’analyse des candidatures, de la procédure de passation lancée par la ville de Rouen en vue de l’attribution du marché portant sur la restauration du massif occidental et des vitraux du Bras Sud du transept de l’Abbatiale de Saint-Ouen.
—————————————————
Source photographique : Frédéric BISSON