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26 janvier 2022Commande publique : en l’absence d’identité des cocontractants, pas d’attribution de concession
Un avis de concession de l’aéroport de Tahiti Faa’a (Polynésie française) a été publié le 15 novembre 2019 au JOPF, le 21 novembre 2019 au JOUE ainsi qu’au BOAMP et le 29 novembre 2019 dans la revue spécialisée Air & Cosmos. Les candidats étaient invités à remettre leur dossier de candidature pour le 6 janvier 2020, au plus tard, la date limite de remise des offres étant le lundi 2 novembre 2020 à 12h00 heure de Paris.
La Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers (CCISM), la société Meridiam SAS, la société Aéroport Marseille Provence et la société Boyer ont décidé de soumissionner à cette procédure, dans le cadre d’un groupement momentané d’entreprises baptisé Groupement TI’A pour « Tahiti International Airport ». Les membres du groupement ont été informés par courrier du 15 septembre 2021 du rejet de leur offre, classée en troisième position, et de l’attribution de la concession au groupement Egis Airport Opération / Caisse des dépôts et consignations. La CCISM a saisi le Juge du référé précontractuel d’une demande d’annulation de la décision attribuant cette concession et celle rejetant l’offre présentée par le groupement TI’A.
Par un jugement n° 2100484 du 28 octobre 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision d’attribution de la concession de l’aérodrome de Tahiti-Faa’a au groupement Egis Airport Opération- Caisse des dépôts et consignations.
Contrat de concession : les exigences du dossier de consultation
A l’appui de sa requête saisissant le Juge des référés, la CCISM soutenait notamment que l’offre du groupement attributaire a été acceptée et choisie alors que cette offre méconnaissait les exigences du dossier de consultation, notamment le guide de constitution des offres, qui imposaient aux candidats de préciser l’identité des principaux intervenants au projet, dont notamment les constructeurs, ainsi que leur rôle dans la conception et la réalisation des travaux.
- le cadre législatif et règlementaire de la commande publique
- l’article L. 3124-2 du code de la commande publique, applicable en Polynésie française aux contrats de concession conclus par l’Etat dispose que :
« L’autorité concédante écarte les offres irrégulières ou inappropriées ».
- l’article L. 3124-3 du même code dispose que :
« Une offre est irrégulière lorsqu’elle ne respecte pas les conditions et caractéristiques
minimales indiquées dans les documents de la consultation ».
- Le règlement de la consultation pour le contrat de concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a énonce que le dossier de la consultation remis aux candidats comprend le Guide de constitution des offres et que les candidats présentent une offre complète comportant l’ensemble des éléments exigés par le Règlement et le Guide de constitution des offres.
- l’article 8 : « Critères d’analyse des offres. Les offres sont appréciées selon les critères pondérés suivants (…) Critère 4 : La robustesse financière et juridique, la performance économique et le partage des risques. Ce critère s’apprécie notamment au regard de (…) la robustesse du montage contractuel entre le Candidat et les futurs cocontractants de la société concessionnaire et le cas échéant de la relation entre les membres du groupement Candidat ».
- l’article 9.6 : « Désignation du Candidat attributaire et rejet des offres des autres Candidats (…) Les Candidats évincés doivent libérer de tout accord d’exclusivité, sous quelque forme que ce soit, dans un délai de sept (7) jours à compter de la date à laquelle leur est notifiée la décision de rejet de leur offre, les prestataires avec lesquels ils ont contracté en vue de la remise de leur offre ».
- le Guide de constitution des offres pour le contrat de concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a
- l’article 7.2 énonce : « Présentation de la structure contractuelle. Le Candidat produira une note détaillée explicitant le montage juridique et financier envisagé pour l’exécution de la Convention de Concession et décrira de manière précise (à l’aide d’un schéma commenté) la structure contractuelle adoptée, les principaux contrats mis en place ainsi que l’identité des différents intervenants (actionnaires de la société concessionnaire, constructeurs, prêteurs, autres cocontractants) et leurs rôles dans la conception et la réalisation des Travaux Initiaux, le financement, l’exploitation de l’aérodrome, l’entretien, la maintenance et le gros-entretien et renouvellement des biens de l’aérodrome ».
- l’article 7.3 énonce : « Sous-contrats et risques résiduels. Le Candidat produira : les principaux termes et conditions des contrats que le Concessionnaire conclura pour les besoins de l’exécution de la Convention de Concession (ou la version intégrale de ces projets de contrats s’ils existent). Ces contrats incluent notamment les contrats relatifs au financement, à la conception, à la construction, à l’exploitation, à la maintenance, sans que cette liste soit limitative ; et les principaux termes et conditions de l’ensemble des polices d’assurances que le Candidat entend souscrire (article 84 du cahier des charges). Ces projets feront clairement apparaître les transferts de risques envisagés ainsi que les indemnités de résiliation demandées par les cocontractants du Concessionnaire ».
La présentation et le contenu des offres pour le contrat de concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a
Au vu de ces dispositions, le Juge des référés considère que les candidats devaient, à l’appui de leur offre, transmettre des éléments précis sur les contrats à conclure, comportant, notamment, pour les constructeurs en charge de la conception et de la réalisation des travaux initiaux, l’indication de l’identité des futurs cocontractants. Il précise que cette exigence peut être rattachée au critère 4 d’analyse des offres impliquant pour l’acheteur public d’apprécier la robustesse du montage contractuel entre le Candidat et les futurs cocontractants de la société concessionnaire.
Il relève que le groupement attributaire n’a pas, en méconnaissance de ces dispositions, fourni l’identité des cocontractants « constructeurs » pressentis. Il considère dès lors et sans que les défendeurs puissent se prévaloir utilement ni des dispositions de l’article 9.6 du règlement de la consultation, qui précisément visent, pour les cocontractants des candidats, ainsi nécessairement identifiés, la libération des engagements souscrits auprès de ceux dont l’offre a été rejetée, ni d’un risque de distorsion de concurrence tenant au faible nombre d’entreprises de travaux en Polynésie française, la CCISM apparaît fondée à soutenir que l’offre du groupement attributaire, ne respectant pas ces conditions indiquées dans les documents de la consultation, était irrégulière et devait être éliminée pour ce motif.
Commande publique et intérêt légitime du candidat non retenu
Le Tribunal rappelle que chacun des concurrents peut faire valoir un intérêt légitime équivalent à l’exclusion de l’offre des autres, pouvant aboutir au constat de l’impossibilité, pour le l’acheteur public, de procéder à la sélection d’une offre régulière.
En l’espèce, le choix d’une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d’avoir lésé le groupement auquel appartenait la CCISM, quel qu’ait été son propre rang de classement à l’issue du jugement des offres.
La CCISM était donc fondée à demander l’annulation de la décision d’attribution du contrat de concession en litige.
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sources photographiques :
– aéroport : FRED sur Wikipédia français