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Par un jugement n° 1926880 du 2 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête d’un particulier qui demandait l’annulation du permis de construire délivré par la Maire de Paris au syndicat s A de l’EITMM en vue de la rénovation de la Tour Montparnasse.
Ce jugement permet d’approfondir :
- l’articulation des modifications d’une construction existante et des règles du plan local d’urbanisme (PLU) entré en vigueur après le permis de construire initial,
- l’admission des dérogations aux règles du PLU pour assurer la mise aux normes.
Comment appliquer les nouvelles règles du PLU à une construction existante ?
La Tour Montparnasse a été construite il y a une quarantaine d’années et culmine à 209 mètres de hauteur. Depuis, les règles d’urbanisme en vigueur à Paris ont changé. Le tribunal administratif devait donc prendre en considération l’évolution de l’état du droit pour statuer sur les travaux projetés sur cette tour.
- les règles du PLU de Paris en vigueur : pas d’aggravation de la non-conformité
Le Juge administratif relève :
- les dispositions générales du règlement du plan local d’urbanisme de Paris selon lesquelles :
« Lorsqu’une construction existante n’est pas conforme aux dispositions applicables dans la zone où elle se situe, l’autorisation d’exécuter des travaux ne peut être accordée que pour des travaux qui n’aggravent pas la non-conformité de la construction avec ces dispositions ou sont sans effet à leur égard. Toutefois, peuvent être autorisés, pour tout type de constructions : – des travaux visant exclusivement à assurer la mise aux normes des constructions en matière d’accessibilité, d’hygiène, d’isolation phonique ou thermique ou de sécurité […]; – des travaux visant à améliorer la performance énergétique ou à développer la production d’énergie renouvelable dans les constructions ».
- l’article UG. 10.1 du règlement du plan local d’urbanisme de Paris :
« 4° – Travaux sur les constructions existantes / (…) / Les dispositifs destinés à économiser de l’énergie ou à produire de l’énergie renouvelable dans les constructions, tels que panneaux solaires thermiques ou photovoltaïques, éoliennes, toitures végétalisées, rehaussement de couverture pour l’isolation thermique…, peuvent faire l’objet d’un dépassement de hauteur dans le respect des dispositions de l’article UG.11 relatives à l’aspect des constructions. / Il en est de même des équipements et des serres de production agricole installés sur les toitures ».
- travaux sur la Tour Montparnasse : constructions nouvelles ou construction existante ?
En raison des moyens invoqués par la requérante, le Juge a d’abord dû déterminer si le permis accordé portait sur des constructions nouvelles ou sur une construction existante.
Au vu des éléments versés aux débats, et notamment de l’étude d’impact, le tribunal a considéré que le projet concerné pour lequel un permis de construire a été délivré concernait bien la Tour Montparnasse et consistait en des travaux de réhabilitation et de mise aux normes, le projet conservant intégralement la structure existante.
Il a également précisé que la modification des accès et les démolitions partielles envisagées, quelle que soit leur ampleur, étaient indifférentes dès lors qu’elles n’ont pas d’impact sur la structure existante de l’édifice.
Il en a alors déduit que les travaux envisagés, qui n’affectent pas la structure de l’édifice, ne peuvent être regardés comme constituant une reconstruction d’immeuble, mais présentent bien le caractère de travaux à exécuter sur une construction existante.
Dans quels cas déroger aux règles du PLU pour des travaux sur une construction existante ?
la hauteur de la Tour Montparnasse : quelle conséquence ?
D’une part, il résulte des dispositions combinées du PLU de Paris que le terrain d’assiette du projet se situe dans une zone dont le plafond des hauteurs a été fixé à 31 mètres, postérieurement à la construction de la Tour Montparnasse laquelle culmine à 209 mètres.
D’autre part, il ressort de la notice architecturale du dossier de demande que la hauteur du pavillon prévu en extension de la Tour Montparnasse est nettement inférieure à la nouvelle hauteur limite de 31 mètres.
Le Tribunal a dès lors jugé que les travaux de construction d’un pavillon en extension de la Tour Montparnasse sont sans effet sur la non-conformité à la réglementation d’urbanisme de la Ville de Paris de la hauteur du bâtiment principal existant.
- l’épaississement de la Tour Montparnasse : rénovation thermique et acoustique
La requérante a contesté que les travaux prévus pour les niveaux R+3 à R+13, en ce qu’ils impliquent un épaississement de la Tour, soient nécessaires pour la mise aux normes dont se prévaut le pétitionnaire.
Toutefois, comme le relève le Juge, la notice architecturale du projet confirme que cet épaississement permet exclusivement de réaliser la mise aux normes thermique et acoustique des façades grâce à l’isolation qu’il améliore, réduit la prise au vent et qu’il se termine au niveau R+13 en raison du caractère technique du niveau R+15, à la structure porteuse distincte, le niveau R+14 constituant la transition entre deux principes de façades.
- surélévation ou pas de la Tour Montparnasse ?
Le niveau R+58 de la Tour Montparnasse préexistait au permis de construire contesté et ne constitue pas, en tant que tel, selon le tribunal, un élément de la surélévation projetée, celle-ci résultant de la création d’un niveau R+59 constitué d’une serre agricole.
Or, il résulte des dispositions combinées du PLU de Paris que si les travaux sur une construction existante ne respectant pas les règles de hauteur ne peuvent en principe être autorisés que s’ils n’aggravent pas la non-conformité de la construction au regard de ces règles, le règlement de ce document d’urbanisme prévoit une règle spéciale pour les serres de production agricole installées sur les toitures de constructions existantes en dépassement localisé de la hauteur autorisée.
Il faut cependant que l’aspect de cette construction ne soit pas de nature « à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales » selon les dispositions du PLU.
En l’espèce, le tribunal administratif a considéré que la réhabilitation de la Tour Montparnasse s’accompagnait d’une recherche architecturale dans l’amélioration de son aspect, la serre projetée est conçue en continuité avec le reste de la Tour et l’ensemble en résultant est harmonieux.
- édification en bordure de voie ou en retrait ?
La requérante a contesté l’implantation d’un pavillon en extension de la Tour Montparnasse à 9,10 mètres en retrait de la voie côté rue du Départ sur le fondement d’une disposition du PLU qui impose l’implantation de toute construction à l’alignement ou à la limite de fait de la voie, sauf lorsqu’un retrait est justifié par l’environnement, la sécurité des piétons et des PMR ou par l’expression d’une recherche architecturale.
Or, selon le Juge, cette configuration s’explique par le souci d’assurer la continuité du cheminement piéton au pied de la Tour et sur la place Raoul Dautry et par la réalisation d’une voie destinée à la circulation des véhicules pompiers côté rue du Départ.
Il précise également que l’objet de ces dispositions, qui est d’assurer un front bâti continu le long des voies dans un souci d’esthétique architecturale, est inopérant en l’espèce s’agissant de la construction d’un bâtiment isolé qui n’est pas implanté dans le prolongement d’autres immeubles.
stationnement des vélos et évaluation des surfaces
La requérante soutenait à tort que le pourcentage déterminant la surface à réserver au stationnement des vélos et des poussettes pour les travaux soumis à une norme chiffrée s’applique à la surface de l’ensemble de la construction et à la surface des locaux créés. De plus, alors que l’obligation de créer une surface dédiée au stationnement des vélos et poussettes était de 109 m², le projet prévoit une surface de 354 m² ; il n’y a donc aucune insuffisance.
Par ailleurs, le tribunal relève qu’il n’y a aucune obligation chiffrée de création de surfaces dédiées au stationnement de vélos et poussettes pour les hôtels puisque le PLU prévoit seulement que les surfaces dédiées doivent répondre aux besoins des utilisateurs.
Pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal administratif de Paris a validé le permis de construire autorisant la rénovation de la Tour Montparnasse.