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Le droit public protège les libertés fondamentales lorsqu’une autorité administrative leur porte une atteinte grave et manifestement illégale. C’est ainsi qu’en matière de réquisition de laboratoires de biologie médicale, le préfet doit respecter le droit de grève.
Par une décision n° 1902530 rendue le 21 octobre 2019, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a suspendu l’arrêté du préfet de la Marne réquisitionnant des laboratoires de biologie médicale qui s’apprêtaient à faire grève.
Droit de grève et liberté fondamentale
Plusieurs syndicats représentant la profession de biologiste médical ont appelé à la grève pour les journées des 22, 23 et 24 octobre 2019. Le préfet de la Marne estimant que cette situation à venir était de nature à entraîner un risque grave pour la santé publique a, par l’arrêté contesté, prononcé la réquisition de laboratoires de biologie médicale.
Un laboratoire a saisi le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative afin d’obtenir la suspension de l’arrêté du préfet au motif que cette décision faisait directement obstacle à l’exercice du droit de grève devant s’exercer quelques jours plus tard.
Le Juge a suspendu la décision après avoir considéré que :
- eu égard à la proximité de ces dates, la condition d’urgence requise par les dispositions de l’article L. 521-2 du CJA était remplie,
- le droit de grève présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de ces mêmes dispositions.
Missions de santé publique et réquisition
Le juge des référés a fondé sa décision sur deux dispositions :
- l’article L. 6212-3 du code de la santé publique selon lequel « le laboratoire de biologie médicale participe à des missions de santé publique. Il participe également à la permanence de l’offre de biologie médicale définie sur la zone déterminée »
- l’article L. 2215-1-4° du code général des collectivités territoriales qui prévoit qu’en « cas d’urgence, lorsque l’atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l’exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé, pour toutes les communes du département ou plusieurs ou une seule d’entre elles, réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l’usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.
Conformément aux règles du droit public, l’arrêté du Préfet doit être motivé et fixe la nature des prestations requises, la durée de la mesure de réquisition ainsi que les modalités de son application.
Étendue de la réquisition : nécessité, urgence et proportionnalité
En l’espèce, le juge des référés a rappelé que le préfet peut prendre une mesure de réquisition à l’égard de salariés en grève d’une entreprise privée dont l’activité présente une importance particulière pour le maintien de l’activité économique, la satisfaction des besoins essentiels de la population ou le fonctionnement des services publics, lorsque les perturbations résultant de la grève créent une menace pour l’ordre public.
Il a également rappelé que le préfet ne peut prendre que les mesures nécessaires, imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public, conformément aux règles de droit public. Dans cette affaire, il a jugé que l’arrêté du préfet était disproportionné aux nécessités de l’ordre public et portait atteinte au droit de grève en considérant que la fermeture des laboratoires d’analyses médicales du département de la Marne serait totale.
En effet, contrairement à la motivation de la décision préfectorale, il est ressorti des pièces du dossier que :
- le laboratoire devait continuer à assurer, pendant la grève, les analyses des patients hospitalisés ou de tous autres établissements de soins, des prélèvements effectués par les infirmiers libéraux, des patients sous chimiothérapies prélevés par les infirmiers libéraux et des analyses nécessaires à l’assistance médicale à la procréation
- le préfet ne démontrait pas que les laboratoires d’analyses médicales publics et privés non-grévistes ne pourraient assurer l’analyse des prélèvements non pris en charge par les laboratoires grévistes ou que la réquisition serait nécessaire pour couvrir une partie du territoire d’où seraient absents des laboratoires publics ou des laboratoires non-grévistes
- la requérante affirmait sans être sérieusement contredite que l’impact de la grève sera similaire à un week-end de trois jours et que seuls 5% des analyses à effectuer relèvent de l’urgence et qu’elles seront assurées.
Dès lors, au vu des principes du droit public, le juge administratif a considéré que l’arrêté de réquisition devait être suspendu puisque son caractère non proportionné portait atteinte au droit de grève, liberté fondamentale.