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20 novembre 2019Le juge administratif rappelle leurs obligations aux Préfets des Landes et des Pyrénées-Atlantiques
Par une décision n° 1800486 du 25 juin 2019 rendue à la demande de plusieurs associations de défense de l’environnement, le tribunal administratif de Pau a annulé les refus des Préfets des Landes et des Pyrénées-Atlantiques d’exercer leurs pouvoirs de police dans le port de Bayonne afin de faire cesser la pêche au saumon effectuée par les marins-pêcheurs professionnels au moyen de filets dérivants.
Depuis des années des marins-pêcheurs professionnels prélèvent environ 15 % des saumons atlantiques qui empruntent l’estuaire de l’Adour pour rejoindre les frayères pyrénéennes. Ils pratiquent cette activité à l’intérieur du port de Bayonne, port de commerce, sans détenir d’autorisation particulière.
Par une décision très motivée tant en droit public qu’en droit rural, le Tribunal a tranché la question inédite de la légalité de cette pêche en articulant son raisonnement autour de trois questions.
Port commercial et pêche professionnelle ?
- que prévoit le code des transports ?
Dans les ports dont l’activité dominante est le commerce, la pêche est interdite sauf si le règlement particulier du port en dispose autrement ou si une autorisation exceptionnelle est accordée par l’autorité portuaire. Il est également interdit de rechercher et de ramasser des végétaux, des coquillages et autres animaux marins, et de se baigner.
Le règlement du port de Bayonne prévoit des dérogations à l’interdiction générale posée par l’article R. 5333-24 du code des transports, mais uniquement au bénéfice de la baignade dans le cadre de manifestations nautiques régulièrement autorisées par l’autorité portuaire et pour la plongée sous-marine sur autorisation exceptionnelle pour la réalisation de travaux ou d’inspections subaquatiques.
Dès lors, aucune dérogation à l’interdiction nationale de pêcher dans les ports n’est prévue par le règlement du port de Bayonne pour permettre la pêche du saumon atlantique par filet dérivant.
- que prévoit le code rural et de la pêche maritime ?
L’article R. 921-66 du code rural conditionne la pêche à l’intérieur des installations portuaires à une autorisation particulière délivrée par le préfet de département après avis conforme du président du conseil régional pour les ports régionaux.
Dans le dossier soumis au tribunal, aucune pièce ne démontrait que les marins-pêcheurs qui pêchent dans le port de Bayonne le feraient au vu d’une telle autorisation. Le juge en a alors conclu qu’il est interdit aux marins-pêcheurs professionnels de pêcher dans le port de Bayonne.
Préfet de région ou préfet de département ? Qui est compétent pour faire appliquer cette interdiction ?
L’interdiction de pêcher le saumon dans le port de Bayonne étant fondée tant en droit public qu’en droit rural, le tribunal s’est ensuite prononcé sur l’autorité compétente pour faire respecter cette interdiction en jugeant qu’il s’agissait des préfets de département à double titre.
- les articles L. 5331-6 et L. 5331-8 du code des transports font du préfet de département l’autorité investie du pouvoir de police portuaire qui s’exerce sur les plans d’eau, notamment pour régler les mouvements des navires dans le port et pour faire respecter l’interdiction des mouvements des navires qui, dans le port de Bayonne, se livrent à des activités de pêche interdites.
- les articles L. 5337-1 et R. 5337-1 du code des transports font de ces pratiques une contravention de grande voirie qu’il appartient au préfet de département de poursuivre par l’engagement d’une action pénale.
Protection des saumons sauvages et protection des entreprises de pêche ? Quel équilibre ?
Poursuivant son raisonnement, le tribunal administratif de Pau considère que si selon un principe dégagé par le Conseil d‘État, le préfet ne commet pas d’illégalité en refusant de faire usage de son pouvoir de police pour un motif d’intérêt général, ce n’était pas le cas en l’espèce. En effet, eu égard à la fragilité de l’espèce des saumons atlantiques et à la nécessité d’intérêt général de la sauvegarder dans une optique de biodiversité et d’autorégulation de la vie aquatique, un prélèvement de 15 % des saumons qui empruntent l’estuaire de l’Adour pour rejoindre les frayères pyrénéennes ne peut être regardé comme négligeable.
De plus, il constate qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que les entreprises qui pêchent dans le port ne disposent d’aucune alternative pour exercer cette activité ailleurs que dans le port de Bayonne, soit dans l’océan, soit en amont du port, certains marins-pêcheurs professionnels disposant d’une licence pour pêcher en eau douce. De ce fait, aucun élément concret suggérant que l’interdiction effective de pêcher dans le port de Bayonne serait de nature à remettre en cause la situation financière ou sociale de tout ou partie de ces entreprises compte tenu des alternatives dont elles disposent dans d’autres zones fréquentées par les saumons atlantiques remontant l’Adour ou s’apprêtant à le remonter.
Par voie de conséquence, en application des règles de droit public et de droit rural énoncées dans sa décision, le juge administratif annule les décisions de refus des préfets des Landes et des Pyrénées Atlantiques. Il leur prescrit également au titre de l’exécution du jugement de prendre toute initiative permettant de faire respecter l’interdiction de pêcher sans autorisation dans le port de Bayonne par les marins-pêcheurs professionnels.
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Source photographique : Jérome Charaoui (Charaj)