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27 novembre 2015Ce mois-ci sur le site de Médiapart, Maître Hélène Bras a publié un article intitulé :
« Pas de démocratie environnementale sans accès au juge »
La Convention d’Aarhus serait-elle la grande oubliée du quinquennat Hollande ? Les réformes promises, mais toujours attendues, du Code de l’Environnement ou du Code Minier, ont été accompagnées d’annonces sur la démocratisation des enquêtes publiques et sur l’instauration d’une démocratie environnementale. A ce jour, cette mécanique est en panne et sa concrétisation se fait attendre. Il est vrai que la succession de quatre Ministres de l’Ecologie en trois ans n’a certainement pas facilité les choses.
Pourtant il est quasiment certain que ces réformes seront très en deçà des espoirs placés en elles tant l’examen des mesures prises par les gouvernements qui se sont succédés depuis 2012 révèle une volonté profonde et délibérée d’empêcher tout débat de fond sur les projets ayant une incidence sur l’environnement. Comment comprendre autrement la tendance constante à restreindre l’accès au Juge jusque-là ouvert aux particuliers et aux associations ? Pourtant, la Convention d’Aarhus, signée en 1998 et approuvée par la France en 2002, énonce comme étant indissociables l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.
Ainsi, la promesse d’approfondir les procédures de consultation ne suffit pas à instaurer une démocratie environnementale ; encore faut-il que le processus décisionnel s’accompagne du droit de saisir un Juge pour contrôler la légalité et le bien-fondé de la décision qui en est l’aboutissement. Un tel mécanisme est le propre d’un État démocratique où les fonctions d’administrateur et de juge sont nécessairement séparées.
En matière d’environnement, si le public, le citoyen ou l’usager se sont vu progressivement reconnaître un droit à l’information, puis un droit à la consultation et enfin un droit à la participation, ils ont dans le même temps perdu leur droit à la contestation de la décision administrative finalement prise, comme si les processus de consultation ou de concertation suffisaient à décerner à la décision de l’administration un brevet de légalité ou un certificat d’acceptation du corps social.
Or, force est de constater que le moindre projet de construction, d’urbanisation ou d’aménagement commercial fait aujourd’hui l’objet de contestations sous de multiples formes (pétitions, manifestations, occupations, etc.) mais sans qu’elles puissent franchir la porte des Tribunaux. Dès lors, peut-on encore parler de démocratie environnementale quand on n’a plus accès au Juge pour discuter de la légalité de décisions qui mettent à mal l’environnement ou qui méconnaissent les règles édictées pour assurer sa protection ?
Depuis trois ans, une tendance de fond se dégage de l’action des gouvernements successifs qui consiste en l’édiction de normes très précises et extrêmement restrictives faisant obstacle à cet accès au Juge. Le diable se cache dans les détails dit-on ; deux exemples parmi d’autres en témoignent. C’est ainsi qu’il faut désormais, pour pouvoir contester un permis de construire, démontrer qu’à la date où la demande de permis a été affichée en Mairie, et non plus à la date de sa délivrance, le permis à venir affecterait les conditions d’occupation de son propre bien. Ceux qui se hasarderaient néanmoins à engager une telle action s’exposent désormais à une condamnation à de lourds dommages-intérêts au profit du constructeur. L’ironie de l’histoire est que cette disposition a été introduite par une Ministre (écologiste) du Logement suite aux demandes insistantes des promoteurs immobiliers.
De même, depuis décembre 2014, l’autorisation de créer des zones commerciales ne peut plus être contestée que par un commerçant et non plus par toute personne ayant un intérêt à agir, comme la Loi le permettait jusqu’à cette date. Désormais, les riverains, les associations, les habitants ou les agriculteurs sont privés de tout droit d’ester en justice mais doivent assister impuissants à la consommation toujours plus grande d’espaces agricoles aux portes des villes et à la suppression des commerces de centre-ville au profit de la périphérie.
Il ne faut donc pas s’étonner ensuite que l’édiction de normes, qui pourraient paraître anodines, conduise à l’émergence d’un sentiment de frustration ou de révolte de ceux à qui l’on a promis l’avènement d’une démocratie environnementale. Il est donc grand temps de mettre pleinement en œuvre la Convention d’Aarhus en permettant un accès au Juge digne d’un État démocratique.
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