Évolution du droit de préemption de bâtiments pour les SAFER
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17 juin 2019Éoliennes : la régularisation des permis est possible en cas de vice de procédure
Par une décision n° 420554 – 420575 du 27 mai 2019 prononcée suite à la requête du Ministre de la Cohésion des territoires et de la Société MSE La Tombelle, le Conseil d’Etat a transposé sa jurisprudence relative au défaut d’autonomie de l’autorité environnementale et a précisé les modalités de régularisation d’un permis entaché d’un tel vice.
A la demande de l’association « Éoliennes s’en naît trop », la Cour administrative d’appel de Lyon avait annulé des permis de construire délivrés par le Préfet permettant l’implantation de six éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Courçais et Viplaix (Allier). Le juge d’appel avait jugé illégal le fait que le Préfet ait successivement donné l’avis requis en qualité d’autorité environnementale sur l’étude d’impact et délivré les permis.
Se fondant sur sa jurisprudence rendue dans sa décision n° 400559 du 6 décembre 2017 France Nature Environnement, le Conseil d’Etat confirme cette analyse en considérant que si les dispositions de l’article 7 de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 « ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ».
En l’espèce, la circonstance que l’avis a été préparé et rédigé par les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement au sein de la division » mission évaluation environnementale » alors que les permis de construire avaient été instruits par les services de la direction départementale des territoires de l’Allier ne permettait pas de considérer que l’avis ainsi émis par le préfet de région a été rendu par une autorité disposant d’une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité. Du fait de cette irrégularité, le Conseil d’Etat en déduit que les permis sont illégaux et donc susceptibles d’annulation. Cependant, à la différence de la Cour administrative d’appel, il considère que ce vice est régularisable.
Selon les règles du droit public, un vice de procédure, dont l’existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l’illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d’autres modalités, qu’il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.
Le Conseil d’Etat a ainsi précisé que la régularisation du vice de procédure implique que la procédure de consultation de l’autorité environnementale soit reprise et que le nouvel avis soit porté à la connaissance du public. Le vice étant régularisable, il y lieu, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, de surseoir à statuer pour permettre cette régularisation, selon les modalités qu’il précise. Ainsi, l’illégalité des dispositions réglementaires désignant l’autorité environnementale n’ayant pas encore été corrigée, l’avis pourra être rendu par la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable territorialement compétente, dans les conditions définies aux articles R. 122-6 à R. 122-8 et R. 122-24 du code de l’environnement. Le nouvel avis sera porté à l’information du public dans les conditions suivantes : si l’avis de l’autorité environnementale recueilli selon les modalités précisées au point précédent diffère substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public à l’occasion de l’enquête publique dont les permis de construire ont fait l’objet, une enquête publique complémentaire devra être organisée à titre de régularisation, selon les modalités prévues par les articles L. 123-14 et R. 123-23 du code de l’environnement, dans le cadre de laquelle seront soumis au public, outre l’avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d’éventuels vices révélés par le nouvel avis, notamment une insuffisance de l’étude d’impact ; si aucune modification substantielle n’est apportée à l’avis, l’information du public sur le nouvel avis de l’autorité environnementale ainsi recueilli prendra la forme d’une publication sur internet, dans les conditions prévues à l’article R. 122-7 du code de l’environnement.
Cette décision se situe dans le droit fil de l’évolution récente des règles contentieuses propres au droit public qui mettent en avant le principe de sécurité juridique et qui privilégient la régularisation des décisions administratives à une annulation qui conduirait à l’édiction de nouvelles décisions après une nouvelle instruction des demandes reprise ab initio.