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17 novembre 2020Exploitation minière en Nouvelle-Calédonie : taxe ou redevance ?
8 décembre 2020Le Tribunal des conflits décide que la juridiction administrative est compétente en matière de travaux de fouilles d’archéologie préventive
La cour administrative d’appel de Marseille a été saisie par la société Eveha d’une requête en annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2018 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation du marché passé le 10 mars 2017 entre la société publique locale d’aménagement (SPLA) Pays d’Aix territoires et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) en vue de la réalisation des fouilles d’archéologie préventive préalables aux travaux de la zone d’aménagement concerté de la Burlière. Elle demandait également la condamnation de la société à lui verser une indemnité de 115 874 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction du marché.
Par application de l’article 35 du décret du 27 février 2015, la cour a renvoyé au Tribunal des conflits le soin de déterminer quelle était la juridiction compétente pour trancher ce litige. En effet, plusieurs éléments spécifiques à cette affaire (contrat de travaux, personne morale de droit privé, clause exorbitante dans le contrat, service public, etc.) pouvaient faire hésiter sur la question de la compétence.
Le Tribunal des conflits a rendu sa décision n° 4196 le 2 novembre 2020.
Archéologie préventive, diagnostics et fouilles archéologiques :
Le code du patrimoine distingue les trois notions et les activités qui en découlent, lesdites activités n’étant pas nécessairement exercées par les mêmes entités :
- pour l’article L. 521-1 du code du patrimoine, l’archéologie préventive relève de missions de service public et a pour objet d’assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement ainsi que l’interprétation et la diffusion des résultats obtenus.
Selon l’article L. 522-1 du code du patrimoine, il appartient à l’Etat de veiller à la cohérence et au bon fonctionnement du service public de l’archéologie préventive et d’exercer la maîtrise scientifique des opérations d’archéologie préventive. Plus précisément, l’Etat :
-
- Prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par l’étude scientifique du patrimoine archéologique
- Désigne le responsable scientifique de toute opération
- Assure le contrôle scientifique et technique et évalue ces opérations
- Est destinataire de l’ensemble des données scientifiques afférentes aux opérations.
- l’article L. 523-1 du code du patrimoine dispose que sous réserve des cas prévus à l’article L. 523-4, les diagnostics d’archéologie préventive sont confiés à un établissement public national à caractère administratif qui les exécute conformément aux décisions délivrées et aux prescriptions imposées par l’Etat et sous la surveillance de ses représentants. L’établissement public réalise des fouilles d’archéologie préventive dans les conditions définies aux articles L. 523-8 à L. 523-10 du même code. Cet établissement public administratif est l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).
- s’agissant des opérations de fouilles d’archéologie préventive, l’article L. 523-8 du code du patrimoine dispose que l’Etat assure la maîtrise scientifique des opérations de fouilles d’archéologie préventive mentionnées à l’article L. 522-1. Leur réalisation incombe à la personne projetant d’exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. Celle-ci fait appel, pour la mise en œuvre des opérations de fouilles terrestres et subaquatiques, soit à l’établissement public mentionné à l’article L. 523-1, soit à un service archéologique territorial, soit, dès lors que sa compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l’Etat, à toute autre personne de droit public ou privé.
En l’espèce, la société publique locale d’aménagement (SPLA) Pays d’Aix territoires a confié à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) la réalisation des fouilles d’archéologie préventive préalables aux travaux de la zone d’aménagement concerté de la Burlière à la suite d’un appel d’offres. La société Eveha a contesté l’attribution de ce contrat dont la qualification pouvait être discutée.
Pour déterminer la juridiction compétente, le Tribunal des conflits a analysé la nature du contrat en examinant son contenu et les parties au contrat.
Travaux de fouilles d’archéologie préventive et prérogatives des cocontractants : quelle conséquence sur la nature du contrat ?
Le Tribunal des conflits rappelle qu’un contrat passé entre une personne publique et une personne privée qui comporte une clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, est un contrat administratif.
Cependant, la circonstance que le contrat litigieux, passé entre la SPLA Pays d’Aix territoires et l’INRAP, comporte des clauses conférant à la SPLA des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique.
Archéologie préventive et mission de service public : exécution de travaux publics
Le Tribunal des conflits relève que le législateur a entendu créer un service public de l’archéologie préventive et a notamment, dans ce cadre, chargé l’INRAP de réaliser des diagnostics d’archéologie préventive et d’effectuer, dans les conditions prévues par le code du patrimoine, des fouilles. Il suit de là que le contrat par lequel la personne projetant d’exécuter les travaux qui ont donné lieu à la prescription, par l’Etat, de réaliser des fouilles d’archéologie préventive confie à l’INRAP, établissement public, le soin de réaliser ces opérations de fouilles a pour objet l’exécution même de la mission de service public de l’archéologie préventive et que ces opérations de fouilles, dès lors qu’elles sont effectuées par cet établissement public dans le cadre de cette mission de service public, présentent le caractère de travaux publics.
Par suite, le litige relève de la compétence de la juridiction administrative.