Contrat de travaux archéologiques : quelle est la juridiction compétente ?
26 novembre 2020Philharmonie de Paris et maîtrise d’ouvrage
18 décembre 2020Selon le Conseil d’Etat, la redevance superficiaire n’est pas une redevance
La société anonyme Le Nickel a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de son obligation de payer la redevance superficiaire qui lui a été réclamée par la Nouvelle-Calédonie au titre des années 2009 à 2015 et d’ordonner la restitution des montants dont elle s’est déjà acquittée. Par un jugement n° 1500094 du 7 avril 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16PA01796 du 8 juin 2018, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par la société Le Nickel contre ce jugement. La société Le Nickel a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi.
Titres d’exploitation miniers et redevances superficiaires
La société Le Nickel dispose de 849 titres d’exploitation miniers, dont 89 % sont situés sur le domaine de la Nouvelle-Calédonie et 11 % sur des terres coutumières ou des terrains appartenant à des propriétaires privés, à des provinces ou des communes de la Nouvelle-Calédonie. Par plusieurs titres exécutoires, la Nouvelle-Calédonie lui a demandé le paiement des redevances superficiaires correspondant à ces titres d’exploitation miniers pour les années 2009 à 2015. La société Le Nickel demande l’annulation de ces titres, la décharge de son obligation de payer et la restitution par la Nouvelle-Calédonie des redevances déjà payées.
Pour la résolution du litige, le Conseil d’État a statué sur la nature de la redevance superficiaire instituée par la loi du pays du 16 avril 2009 relative au code minier de la Nouvelle-Calédonie et introduite à l’article Lp. 131-3 de ce code. Avant de statuer, le Conseil d’État rappelle le cadre juridique spécifique dans lequel s’inscrit ce litige.
. la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie :
- la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière d’impôts, droits et taxes perçus au bénéfice de la Nouvelle-Calédonie (article 22)
- l’État, la Nouvelle-Calédonie, les provinces et les communes exercent, chacun en ce qui le concerne, leur droit de propriété sur leur domaine public et leur domaine privé (article 43)
- les provinces réglementent et exercent les droits d’exploration, d’exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques, de leur sol et de leur sous-sol (article 45)
. le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie :
- l’article 7 prévoit un régime de stabilisation fiscale pour les entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie des minerais telle que définie à l’article 3-II qui présentent une importance particulière pour le développement économique de la Nouvelle-Calédonie
- l’article Lp. 7 bis prévoit un système d’exonérations de tous droits, impôts et taxes en faveur de ces mêmes entreprises, exonérations qui ne peuvent être remises en cause pendant la durée d’application de cet agrément.
. le code minier de la Nouvelle-Calédonie :
- quiconque désire exploiter un gisement doit obtenir, au préalable, une concession minière (article Lp. 112-2)
- la concession minière confère à son titulaire, dans les limites de son périmètre en surface et indéfiniment en profondeur, le droit exclusif de prospection, de recherches et d’exploitation des gîtes contenant les substances pour lesquelles le permis de recherches dont elle dérive est valable (article Lp. 131-2)
- une redevance dite « superficiaire » est versée par les titulaires de concessions minières à la Nouvelle-Calédonie. Cette redevance est proportionnelle à la superficie totale détenue par un même titulaire (article Lp. 131-3)
La redevance superficiaire n’est pas une redevance
Dans sa décision du 5 octobre 2020, le Conseil d’État juge que, en dépit de sa dénomination, la redevance superficiaire, introduite à l’article Lp. 131-3 du code minier de la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays du 16 avril 2009 relative au code minier de la Nouvelle-Calédonie, n’a :
- ni le caractère d’une redevance domaniale, dès lors qu’elle ne constitue pas la contrepartie de l’autorisation d’occuper le domaine public de la Nouvelle-Calédonie à laquelle elle est versée,
- ni le caractère d’une redevance pour service rendu, dès lors qu’elle ne tend pas à couvrir les charges d’un service public ou les frais d’établissement et d’entretien d’un ouvrage public et ne trouve pas sa contrepartie dans les prestations fournies par ce service ou l’utilisation de cet ouvrage.
La redevance superficiaire exigée lors de l’attribution d’une concession et versée à la Nouvelle-Calédonie doit dès lors être regardée comme un impôt, droit ou taxe institué par la Nouvelle-Calédonie sur le fondement de la compétence qui lui est reconnue par l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999.
Alors même qu’elle a été instituée par le code minier, elle entre dans le champ du régime de stabilisation fiscale prévu par l’article 7 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Le Conseil d’État considère qu’en jugeant que la redevance superficiaire ne relevait pas de ce régime au seul motif qu’elle n’avait pas été instaurée par le code des impôts de Nouvelle-Calédonie, la cour administrative d’appel de Paris a entaché son arrêt d’erreur de droit.
Dès lors, le Conseil d’État juge que la société Le Nickel est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque et renvoie cette affaire à la cour administrative d’appel de Paris.