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Par un arrêt n° 23VE01545 du 18 mars 2025, la cour administrative d’appel de Versailles a eu à examiner la qualification juridique du talus figurant sur le tableau de Vincent Van Gogh intitulé « les racines » situé à Auvers sur Oise.
Cette décision fait suite au jugement n° 2011165 du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, à la demande des propriétaires riverains, a annulé l’arrêté du maire d’Auvers sur Oise fixant la limite de la dépendance du domaine public et l’alignement de la voie publique.
Plan d’alignement et arrêté d’alignement
Les requérants initiaux sont propriétaires d’une parcelle constituée d’un terrain en pente végétalisé le long de la rue Daubigny à Auvers-sur-Oise. Le maire de la commune d’Auvers-sur-Oise a, par un arrêté du 2 septembre 2020, constaté que l’alignement de la rue Daubigny au droit de cette parcelle se trouvait à l’emplacement matérialisé par la ligne tracée en pointillé rouge sur le plan annexé à cet arrêté établi le 25 août 2020, située sur le terrain en surplomb de la rue.
Cet alignement inclus des racines situées en bas de la pente, identifiées durant le printemps 2020 comme étant susceptibles d’avoir inspiré l’ultime tableau inachevé de Vincent Van Gogh réalisé le 27 juillet 1890.
L’article L. 112-1 du code de la voirie routière dispose que :
« L’alignement est la détermination par l’autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d’alignement, soit par un alignement individuel.
Le plan d’alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration la limite entre voie publique et propriétés riveraines.
L’alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d’alignement s’il en existe un. En l’absence d’un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ».
Quelle est la portée d’un arrêté d’alignement ?
Selon la cour, un arrêté d’alignement, qui, en l’absence de plan d’alignement, se borne à constater les limites d’une voie publique en bordure des propriétés riveraines, et constitue ainsi un acte dépourvu d’effet sur le droit de propriété des riverains, ne peut être fixé qu’en fonction des limites actuelles de la voie publique en bordure des propriétés riveraines éventuelles, empiètements inclus.
Elle poursuit en jugeant qu’un arrêté d’alignement se bornant à constater les limites d’une voie publique en bordure des propriétés riveraines, une contestation relative à la propriété des immeubles riverains de la voie publique sur laquelle il n’appartiendrait qu’à l’autorité judiciaire de statuer, ne peut être utilement soulevée à l’appui de conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’un tel arrêté.
En revanche, le Juge d’appel considère qu’il appartient au juge administratif, saisi de conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté d’alignement, de vérifier si l’arrêté d’alignement attaqué se borne ou non à constater les limites actuelles de la voie publique en bordure des propriétés riveraines.
Constatation des limites et erreur d’appréciation
La cour relève que, pour annuler l’arrêté du 2 septembre 2020, le tribunal administratif a estimé que le maire d’Auvers-sur-Oise avait commis une erreur d’appréciation en incluant dans la délimitation de l’alignement le talus sur lequel se situent les racines peintes par Van Gogh dès lors que ce talus constitue le bas de la pente se trouvant en surplomb, dont il partage l’inclinaison et la composition, et ne permet pas de protéger la rue Daubigny en stabilisant les terrains situés plus haut et qu’il n’est de ce fait pas indispensable au bon usage de cette route.
La cour précise que, selon les pièces du dossier, pour fixer par l’arrêté en litige l’alignement individuel de la rue Daubigny, au droit de la parcelle propriété des intéressés, le maire d’Auvers-sur-Oise s’est fondé sur un procès-verbal de délimitation établi par un géomètre-expert daté du 25 août 2020, annexé à l’arrêté en litige. Or, :
- d’une part, en retenant pour fixer la limite de la voie, la présence d’un ancien grillage, alors qu’il ressort du rapport de constat du 4 septembre 2020 dressé par l’expert forestier désigné par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que ce grillage avait été déposé dans sa quasi-totalité, ainsi que la présence d’un coffret d’alimentation électrique dont l’arrêté indique qu’il était initialement implanté en saillie de clôture, le maire d’Auvers-sur-Oise s’est mépris sur la limite actuelle de la voie en bordure de la propriété.
- d’autre part, si la limite ainsi fixée inclut une partie du talus qui jouxte l’accotement, comprenant ainsi les racines peintes par Van Gogh, il ressort de ce même rapport de l’expert forestier que la rue Daubigny est située au milieu d’une pente naturelle partant d’un plateau situé 70 mètres en amont.
Au droit de la parcelle des intéressés, la voie et l’accotement de cette rue s’étendent jusqu’au bas de cette pente. Si cette dernière est constituée dans sa première partie d’un talus d’une hauteur de 4 mètres environ, surplombé par un chemin d’accès, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce talus constitue le bas de la pente naturelle précitée, protège la chaussée notamment en stabilisant le terrain en pente.
Dès lors, en incorporant ce talus à la voie publique, alors qu’il n’en constitue pas l’accessoire nécessaire, le maire a par l’arrêté d’alignement attaqué commis une illégalité. La requête de la commune d’Auvers sur Oise a donc été rejetée.
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Sources photographique :
Couverture : Vincent van Gogh – Tree Roots and Trunks – Domaine public – Wikimedia Commons
Intérieur : Friendlyfireant – Wikimedia Commons