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Par une ordonnance du 24 janvier 2023, le Juge des référés du Tribunal administratif de Pau a suspendu l’exécution de l‘arrêté du 5 octobre 2022 par lequel le Préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré cessibles au bénéfice de la commune de Lons des parcelles identifiées dans le cadre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique mise en œuvre pour la construction d’une nouvelle école primaire.
Le conseil municipal de la commune de Lons a lancé, par une délibération du 23 mars 2021, une procédure d’expropriation de parcelles appartenant à des personnes privées aux fins de construire une nouvelle école primaire et de réaliser l’aménagement d’un ilot paysager en centre-ville. Après enquête publique, le Préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré ce projet d’utilité publique par un arrêté du 25 août 2022 et a prononcé la cessibilité des terrains expropriés par un arrêté du 5 octobre 2022. Les propriétaires concernés ont saisi le tribunal administratif de Pau d’un recours en annulation et d’un recours en référé-suspension. Ce dernier a été accueilli par la juridiction.
Utilité publique et bilan coût-avantages
Le Juge des référés rappelle le principe selon lequel une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.
Utilité publique selon la commune et le Préfet
Le projet communal déclaré d’utilité publique par le Préfet et ayant conduit à la cessibilité des parcelles appartenant à des particuliers revêtait plusieurs aspects, à savoir : la construction d’une nouvelle école élémentaire de dix classes tournée vers la rue du Château afin de réaménager cette rue en instaurant un espace parvis devant l’entrée de la future école, des quais de bus sécurisés et des places de stationnement pour les parents, ainsi qu’en l’aménagement d’un vaste îlot central paysager au cœur du bourg, entre l’école maternelle et la nouvelle école élémentaire, au lieu et place de l’actuelle école, correspondant à un projet global issu d’une étude réalisée en 2017. Ce projet a été déclaré d’utilité publique par un arrêté du 25 août 2022 du Préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Pas d’utilité publique selon le Juge
Pour examiner le moyen avancé par les requérants sur le doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté de cessibilité et fondé, par voie d’exception sur l’illégalité de l’arrêté déclarant le projet d’utilité publique, le Juge des référés a mis en balance les avantages et le coût du projet.
Au titre des avantages, il a relevé des éléments de fait atténuant les avantages qui avaient fondé la déclaration d’utilité publique. Il a ainsi constaté au vu des pièces portées à sa connaissance :
- la largeur actuelle de la rue des Ecoles
- la présence de places de stationnement à proximité de l’école existante
- l’accès au terrain de l’école actuelle par des accès piétonniers déjà existants
- l’existence d’une parcelle communale vierge de toute construction à proximité de l’école existante
- la possibilité de réaliser les aménagements sur les accotements de la rue du Château.
Au titre des inconvénients, le Juge des référés a mentionné le coût social et patrimonial du projet et l’atteinte à la propriété privée qu’il implique.
Il en déduit que la balance entre les coûts et les avantages est défavorable au projet ayant été déclaré d’utilité publique. Dès lors, l’arrêté déclarant d’utilité publique le projet est entaché d’un doute sérieux quant à sa légalité et, par voie de conséquence sur la légalité de l’arrêté de cessibilité contesté aussi puisque fondé sur l’arrêté déclarant l’utilité publique.
Sur l’urgence à suspendre la décision du Préfet
Outre la condition tenant au doute sérieux quant à la légalité de l’acte contesté, le Juge des référés a examiné et retenu la condition d’urgence en estimant que :
- Eu égard à l’objet d’un arrêté de cessibilité et à ses effets pour les propriétaires concernés, la condition d’urgence à laquelle est subordonné l’octroi d’une mesure de suspension en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée, en principe, comme remplie, sauf à ce que l’expropriant justifie de circonstances particulières, notamment si un intérêt public s’attache à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l’expropriation. Il en va ainsi alors même que l’ordonnance du juge de l’expropriation procédant au transfert de propriété est intervenue.
- S’il est constant que l’école élémentaire actuelle, construite en 1973, n’est plus adaptée aux effectifs et qu’un projet de construction d’une nouvelle école est étudié depuis quelques années, au moins depuis 2017, les dangers pour la santé ou la sécurité des enfants allégués en défense, ou encore la nécessité de garantir la continuité du service public, ne sont étayés d’aucun élément alors que l’école actuelle fonctionne et accueille bien des enfants.
Les deux conditions étant remplie, le Juge des référés a suspendu l’exécution de l’arrêté de cessibilité pris par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques.