
Exploitation d’établissements de plage suspendue par le Juge
26 juin 2025
Stations d’épuration et rejets dans le milieu
31 juillet 2025La consultation des communes membres et du Grand-Duché du Luxembourg doit être réelle
Par un arrêt n° 22NC02259 du 22 mai 2025, la cour administrative d’appel de Nancy a eu à examiner la légalité d’un plan local d’urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat. Elle l’a annulé après avoir annulé le jugement n° 2005064 et a. du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Strasbourg.
Elaboration du PLUiH et collaboration des communes
Par une délibération du 3 février 2015, le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette (CCPHVA) a approuvé les modalités de la collaboration avec les communes membres en prévoyant d’associer à l’élaboration les conseils municipaux du territoire, en réunissant une conférence de l’ensemble des élus du territoire aux moments clés de la procédure, en faisant travailler sur le projet chaque commission intercommunale et en intégrant les techniciens des communes ou comité technique.
Il ressort de l’instruction et des pièces du dossier que les deux seules réunions qui ont eu lieu ne réunissaient que les maires des communes membres et non l’ensemble des élus du territoire. De même, la CCPHVA n’a pas établi la fréquence de tenue, ni la réalité de l’organisation des comités techniques et n’a pas justifié de la tenue des commissions intercommunales compétentes.
La cour relève aussi que si le rapport du commissaire-enquêteur relève que l’ensemble des élus du territoire ont été associés à l’élaboration de ce document par le biais des différentes instances de gouvernance mise en place au lancement de la mission (conseils municipaux, conseil communautaire, comité technique, comité de pilotage, conférence intercommunale), ce rapport n’est étayé par aucun élément et le commissaire-enquêteur ne précise pas l’origine des éléments dont il fait état.
Enfin, la cour considère qu’aucun élément permettant d’établir la réalité de l’association des conseils municipaux à l’élaboration de ce document, pourtant expressément prévue par la délibération du 3 février 2015 ne ressort de l’examen du dossier.
Elle déduit de l’ensemble de ces circonstances que la délibération du 3 février 2015 relatives aux modalités de la collaboration avec les communes a été méconnue.
Elaboration du PLUiH et communication du projet au Grand-Duché du Luxembourg
L’article L. 104-7 du code de l’urbanisme prévoit que les documents d’urbanisme dont la mise en œuvre est susceptible de produire des effets notables sur l’environnement d’un autre Etat membre de l’Union européenne sont transmis aux autorités de cet Etat.
En l’espèce, la Cour relève au titre des incidences notables sur l’environnement du Luxembourg que :
- d’une part, une grande partie du territoire de la CCPHVA fait l’objet de l’Opération d’intérêt national » Alzette-Belval « , reconnue par décret du 18 avril 2011, ayant pour objectif d’accompagner la mutation de ce secteur, étroitement liée à celle du territoire voisin des communes luxembourgeoises de Sanem et d’Esch-sur-Alzette, sur lequel le projet » Belval » de reconversion d’une friche industrielle d’un ancien site sidérurgique de 120 hectares est en cours de réalisation. Ce développement, intégré dans le PLUiH, qui y justifie un besoin de plus de 1 000 logements sur les cinq prochaines années et de plus de 3 000 logements sur la durée du plan, accentuera encore le trafic frontalier pendulaire des résidents français travaillant au Luxembourg particulièrement marqué sur la route départementale RD 16 desservant le Luxembourg, saturée en traversée d’Audun-le-Tiche, connaissant déjà un niveau moyen de 20 000 véhicules par jour.
- d’autre part, l’avis de la mission régionale d’évaluation environnementale relève que les effluents du réseau d’assainissement des zones à urbaniser sur la commune d’Ottange doivent être traités par une station d’épuration des eaux usées luxembourgeoises, située à Bettembourg, dont il n’est pas établi que les capacités ont été vérifiées.
La mise en œuvre du PLUiH aurait donc des effets notables sur l’environnement du Luxembourg de sorte que la CCPHVA était tenue de transmettre un exemplaire du dossier d’enquête publique aux autorités de cet Etat membre de l’Union européenne. En se bornant à consulter cinq communes luxembourgeoises limitrophes, et en ne transmettant pas le dossier au Grand-duché du Luxembourg, ce qui constitue une garantie pour cet Etat membre, la CCPHVA a méconnu les dispositions de l’article L. 104-7 du code de l’urbanisme.
Règlementation des stationnements et création de sous-destinations
L’article L. 151-9 du code de l’urbanisme dispose que « le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l’interdiction de construire. Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ».
L’article R. 151-27 du code de l’urbanisme définit les destinations de constructions par catégories.
En l’espèce, le règlement du PLUiH contesté distinguait pour la définition des règles de stationnement plusieurs catégories :
- artisanat, commerce de détail, commerce de gros avec obligation de création d’un emplacement pour 60 m² de surface de plancher
- commerce supérieur à 100 m² de surface de vente avec obligation de création d’un emplacement pour 100 m² de surface de plancher.
Ce faisant, la CCPHVA a créé de nouvelles catégories de destinations pour lesquelles ont été prévues des règles spécifiques en matière d’obligation de stationnement.
Or, l’instauration de telles sous-catégories pour leur appliquer des règles différentes en matière de stationnement entache d’illégalité cette partie du règlement.
Classement en zone à urbaniser 1UA et erreur manifeste d’appréciation
Aux termes de l’article R. 151-20 du code de l’urbanisme, « les zones à urbaniser sont dites zones AU. Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l’urbanisation. Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d’eau, d’électricité et, le cas échéant, d’assainissement existant à la périphérie immédiate d’une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l’ensemble de cette zone et que des orientations d’aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d’aménagement et d’équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d’aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement ».
En l’espèce, le PLUiH a classé en zone 1AU un secteur pour lequel il ne ressortait pas des pièces du dossier que les capacités des voies et réseaux publics existants à la périphérie immédiate de ce secteur étaient suffisantes pour desservir les constructions à implanter. De plus, la cour considère que le seul engagement d’études techniques par l’EPA d’Alzette-Belval en charge de l’opération d’intérêt national est insuffisant pour permettre l’ouverture à l’urbanisation de ce secteur. Dès lors, le classement de ce secteur en zone 1AU est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
Dans ces conditions, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg et la délibération par laquelle la CCPHVA a approuvé le PLUiH.
——————-
Sources photographiques
Entête : Calips, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons
Dans l’article : Wolfgang Staudt, via Wikimedia Commons