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Par une ordonnance n° 2502785 – 2502787 du 21 mai 2025, le Juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a eu à examiner la légalité de deux arrêtés du Préfet de la Gironde autorisant des rejets directs issus de stations de traitement des eaux usées vers les sols et vers la mer.
Référé et absence d’étude d’impact
Par deux arrêtés du 28 février 2025, le Préfet de la Gironde a autorisé le syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon, gestionnaire des stations de traitements des eaux usées de La Teste-de-Buch et de Biganos, à réaliser, lors d’opérations de maintenance et de circonstances exceptionnelles, des rejets directs vers les sols autour des bassins et vers la mer, alors que de tels rejets étaient jusque-là interdits.
Saisi sur le fondement de l’article L. 122-11 du code de l’environnement, il a suspendu l’exécution de ces arrêtés.
L’article L. 122-11 du code de l’environnement dispose que « si une requête déposée
devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d’approbation d’un projet visé au I de l’article L. 122-1 est fondée sur l’absence d’étude d’impact, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ».
L’ordonnance rappelle que le Juge des référés, saisi de conclusions sur le fondement de ces dispositions, doit apprécier si, en l’état de l’instruction, eu égard à la portée de la décision litigieuse, une étude d’impact était nécessaire.
Autorisation environnementale ou porter à connaissance ?
L’article L. 181-14 du code de l’environnement dispose que :
« Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l’autorisation environnementale est soumise à la délivrance d’une nouvelle autorisation, qu’elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation.
En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l’article L. 181-32 […] ».
L’article R. 181-46 du même code précise que :
« I. Est regardée comme substantielle, au sens de l’article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui […] 3° […] est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3.
La délivrance d’une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l’autorisation initiale.
- Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d’exploitation ou de mise en œuvre ainsi qu’aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l’article L. 181-1 inclus dans l’autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l’autorisation avec tous les éléments d’appréciation».
Les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 auquel renvoie l’article L.181-3 du code de l’environnement incluent notamment la santé, la sécurité, la salubrité publiques, la protection de la nature et de l’environnement.
Le Juge des référés a donc eu à examiner si les modifications d’exploitation demandées par le SIBA nécessitaient une autorisation environnementale ou bien si un porter à connaissance suffisait.
Rejets directs d’eaux usées et circonstances exceptionnelles
Par arrêtés préfectoraux de 2019 et 2023, le Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon (SIBA) a été autorisé par le Préfet de la Gironde à exploiter plusieurs réseaux de collecte des eaux usées desservant dix communes du Bassin d’Arcachon et la station de traitement des eaux usées de Biganos.
Le 1er août 2024, le SIBA a déposé un porter à connaissance afin d’amender ces arrêtés préfectoraux pour y intégrer les situations climatiques inhabituelles durant lesquelles la collecte des eaux usées brutes ne parvient plus à garantir le transport des eaux vers les stations d’épuration sans mobiliser les ouvrages au-delà de leur capacité.
Par un arrêté préfectoral du 28 février 2025, le Préfet de la Gironde a modifié ses arrêtés de 2019 et 2023 en remplaçant la disposition « le système de collecte « ne comporte aucun déversoir d’eaux usées vers le milieu, ni trop plein ni surverse sur aucun des ouvrages » par la mention selon laquelle les rejets directs d’eaux usées par temps de pluie ne sont pas autorisés en dehors des opérations programmées de maintenance et des circonstances exceptionnelles, telles que mentionnées à l’article 2 de l’arrêté interministériel du 21 juillet 2015, à savoir : «catastrophes naturelles, inondations, pannes ou dysfonctionnements non directement liés à un défaut de conception ou d’entretien, rejets accidentels dans le réseau de substances chimiques, actes de malveillance ».
Selon le Juge des référés, les arrêtés modifiés et contestés doivent regardés comme autorisant le SIBA à réaliser des rejets directs d’eaux usées lors des opérations de maintenance et de circonstances exceptionnelles.
Or, en l’espèce, la surveillance des milieux récepteurs concerne les bactéries E. Coli et certains micropolluants. De plus, ces effluents seront rejetés dans le sol non loin d’une forêt domaniale classée en ZNIEFF de type 1 dont les enjeux écologiques sont qualifiés de forts, à proximité de ruisseaux et de plusieurs ZNIEFF et dans un site Natura 2000.
De plus, le Juge relève que le bassin d’Arcachon, dont la vulnérabilité conchylicole a été mise en exergue par les déversements survenus fin 2023 début 2024, constitue l’exutoire de tous les cours d’eau alentour, et se situe entre 1,1 km et 3 km des milieux récepteurs des ouvrages d’évacuation autorisés par les arrêtés préfectoraux litigieux. A cela s’ajoute le fait que, dans son avis du 31 janvier 2025, le conseil de gestion du parc naturel marin du bassin d’Arcachon souligne que l’impact induit par les arrêtés contestés est susceptible d’altérer de façon notable le milieu marin, du fait du rejet des eaux brutes non traitées à proximité immédiate du bassin d’Arcachon.
Enfin, le Juge des référés a considéré que la notion de circonstances exceptionnelles, permettant de déclencher une surverse, n’est pas concrètement définie par les arrêtés contestés qui ne font référence qu’à la seule définition de l’article 2 de l’arrêté interministériel du 21 juillet 2015.
Rejets d’eaux usées et dangers et inconvénients significatifs
Au vu de ces diverses circonstances, le Juge des référés a estimé que :
- compte tenu de la charge brute de pollution organique présente dans les eaux usées,
- de la sensibilité des milieux récepteurs des rejets
- de l’absence d’éléments permettant de déterminer la fréquence des incidences,
les modifications apportées par les arrêtés contestés peuvent être regardées comme étant susceptibles d’entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 du même code.
Par suite, eu égard à la portée des décisions litigieuses, qui constituent des modifications substantielles au sens de l’article L. 181-14 du code de l’environnement, une étude d’impact était nécessaire à la délivrance d’une nouvelle autorisation environnementale.
Dès lors, la requête a donc été accueillie et l’exécution des arrêtés suspendue.