Contenu illicite d’un contrat administratif
25 avril 2023Colloque interdisciplinaire HUMANENVI
5 juin 2023Une interdiction de baignade doit être proportionnée
Par un jugement n° 2300167 du 17 mai 2023, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie s’est prononcé sur une interdiction de baignade édictée par la Maire de Nouméa suite à plusieurs attaques de requins, dont une mortelle à proximité de plages très fréquentées.
Un habitant de Nouméa a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler l’arrêté de la Maire de cette commune en date du 16 mars 2023 interdisant toute baignade du 20 mars au 31 décembre 2023 dans la bande littorale des 300 mètres de Nouméa ainsi que sur les ilots Maitre, Canards, Sainte-Marie, Uere. Par un jugement du 17 mai 2023, le Tribunal administratif a prononcé l’annulation de l’arrêté du Maire de Nouméa.
Entre-temps, la Maire de Nouméa a abrogé, et non retiré, l’arrêté contesté de sorte que le recours n’était pas privé d’objet.
Interdiction de baignade et pouvoirs de police du Maire
Le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article L. 131-1 du code des communes applicable en Nouvelle-Calédonie, « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du haut-commissaire, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. » et qu’en vertu de l’article L. 131-2-1 du même code, « le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir des rivages avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s’exerce en mer jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux ».
Ainsi, le Maire tient de ses pouvoirs de police administrative la possibilité de réglementer l’accès aux plages et la pratique des activités nautiques sur le territoire de sa commune, dans l’intérêt de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques.
Interdiction de baignade et interdiction proportionnée
Le requérant soutenait que la mesure d’interdiction constituait une interdiction générale et absolue et une mesure disproportionnée eu égard à sa durée et à son périmètre géographique. Il soutenait également que la Maire de Nouméa aurait pu prendre d’autres mesures en lieu et place de cette interdiction générale et absolue.
Dans son jugement du 17 mai 2023, le Tribunal a rappelé que s’il incombe au Maire d’une commune sur le territoire de laquelle sont situés des lieux de baignade, de prendre les mesures nécessaires pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, les interdictions édictées à ce titre doivent être strictement proportionnées à leur nécessité.
Or, en l’espèce, l’arrêté du 16 mars 2023 de la Maire de la commune de Nouméa interdisait toute baignade du 20 mars au 31 décembre 2023 dans la bande littorale des 300 mètres de Nouméa ainsi que sur les ilots Maitre, Canards, Sainte-Marie, Uere.
Le Juge administratif a considéré que cette interdiction, au caractère général et absolu était disproportionnée eu égard :
- d’une part, aux objectifs de protection des populations, tant dans sa durée que dans son étendue géographique,
- d’autre part, aux libertés publiques, malgré la présence avérée depuis plusieurs années de nombreux requins.
Il poursuit son raisonnement en précisant que la commune de Nouméa n’établit pas que l’objectif poursuivi de protection des populations ne pourrait être atteint par des mesures de police moins contraignantes, par des mesures de signalisation adaptées et suffisamment visibles qui d’ailleurs existent déjà, ou bien par des moyens de surveillance du littoral moins attentatoires aux libertés.
Dans ces conditions, le Tribunal a jugé que la Maire de Nouméa avait entaché sa décision d’un excès de pouvoir.
Par voie de conséquence, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé l’arrêté du 16 mars 2023 sans avoir à différer les effets de son jugement puisque cet arrêté avait été abrogé par la Maire de Nouméa le 3 mai 2023, date à laquelle elle a pris de nouvelles mesures de police.
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Ressources photographiques
Vue aérienne des îles des Saintes : Vilars at fr.wikipedia, CC BY-SA 1.0
La Crique Sainte Marie : M worm, Public domain, via Wikimedia Commons