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29 mars 2023Requins et interdiction de baignade
25 mai 2023Annulation d’un contrat administratif pour objet illicite
Par une décision n° 459834 du 5 avril 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le sort à réserver à un contrat administratif dont l’objet était en lui-même illicite.
La société Sumitomo Chemical Agro Europe a demandé au Tribunal administratif de Toulon d’annuler ou de résilier le contrat conclu le 15 février 2016 entre la commune de Hyères et la société Compagnie Européenne de Réalisations Antiparasitaires (CERA). Par un jugement n° 1601595 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
La société Sumitomo Chemical Agro Europe a alors saisi la cour administrative d’appel de Marseille d’un appel. Par un arrêt n° 20MA03008 du 25 octobre 2021, la Cour a annulé le jugement et le contrat conclu entre la commune de Hyères et la société CERA. Le contrat ayant été exécuté à la fin de l’année 2019, il ne pouvait plus donner lieu à résiliation.
Saisi par la commune de Hyères et par la société CERA, le Conseil d’Etat confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille et apporte des précisions sur le défaut de validité du contrat du fait d’un objet illicite.
Validité du contrat administratif et pouvoirs du Juge administratif :
Le Conseil d’Etat rappelle que lorsque le Juge administratif constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, il doit en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices :
- soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible,
- soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat.
Le Conseil d’Etat précise également qu’en présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il l revient au Juge de prononcer (le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général) :
- soit la résiliation du contrat,
- soit l’annulation totale ou partielle de celui-ci si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office.
Validité du contrat administratif et contenu illicite
En l’espèce, l’objet du contrat était la fourniture d’un produit larvicide destiné à la lutte contre les moustiques. La commune de Hyères a décidé de retenir l’offre de la société CERA pour le produit Aquabac XT. Le concurrent évincé qui proposait un autre produit a contesté cette décision.
Pour examiner le bien-fondé de ce recours, le Conseil d’Etat a d’abord examiné le contenu du règlement de la consultation qui précisait que :
- les produits devront répondre aux normes de sécurité et normes en vigueur
- les entreprises auront à produire un dossier complet comprenant notamment :
- les autorisations de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques
- la fiche de données de sécurité et la notice technique du produit afin de vérifier la conformité du produit avec la règlementation (avec identification du n° d’autorisation, du produit et de la société fournisseur, les matières actives et leur concentration respectives notamment pour les produits dangereux).
Le Conseil d’Etat a aussi rappelé les dispositions du règlement (UE) 528/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides, lesquelles ne permettaient pas au produit retenu de bénéficier d’un régime transitoire en matière d’autorisation.
De plus, il précise que l’inscription d’une substance active par l’Agence européenne des produits chimiques sur la liste prévue par ces dispositions, n’a ni pour objet ni pour effet de valoir autorisation de mise sur le marché d’un produit contenant cette substance active.
Enfin, il relève que, à la date de l’instruction de l’offre de la société CERA et de l’attribution du marché, cette société ne disposait d’aucune autorisation de mise sur le marché pour le produit Aquabac XT.
Poursuivant son raisonnement, le Conseil d’Etat précise que le contenu d’un contrat ne présente un caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement.
En l’espèce, il considère qu’en jugeant que le défaut d’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont la fourniture constituait l’objet même du contrat litigieux entachait d’illicéité le contenu de ce contrat et qu’un tel vice était de nature à justifier son annulation, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille, qui a annulé le contrat conclu par la commune, et a rejeté les pourvois des requérants.