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29 août 2022L’arrêté du Préfet de la Haute-Savoie autorisant l’abattage des bouquetins est partiellement suspendu
Par une ordonnance n° 2202516 du 18 mai 2022 rendu à la demande de plusieurs associations de défense de l’environnement, le Juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a suspendu partiellement l’exécution de l’arrêté du Préfet de la Haute-Savoie du 17 mars 2022 autorisant au titre de l’année 2022 l’abattage de bouquetins du massif du Bargy dans la limite de 170 individus.
Abattage de bouquetins et condition d’urgence :
Par arrêté du 17 mars 2022, le Préfet de la Haute-Savoie a autorisé sur l’ensemble du massif du Bargy la capture, l’euthanasie de bouquetins séropositifs en vue de la constitution d’un noyau sain et a autorisé le prélèvement de bouquetins pour viser l’extinction de l’enzootie de brucellose. Plus précisément :
- son article 1er fixe, pour l’année 2022, la capture de bouquetins parmi les individus non marqués sur le massif du Bargy et l’abattage des autres individus non marqués, dans la limite de 170 individus
- son article 2 prévoit la capture d’au moins 30 individus marqués, pour lesquels il sera procédé à des tests de dépistage et à l’euthanasie des animaux malades.
- son article 4, autorise à compter de 2023 et pour les années suivantes, à la capture des bouquetins n’ayant pu être marqués dans ce même massif, dans la limite de 50 individus et à un abattage complémentaire de 20 tirs maximum.
Le Juge des référés a retenu partiellement la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative en considérant à propos de l’article 1er de l’arrêté que, au regard du caractère par essence définitif de la mise à mort d’un animal, et des buts poursuivis par les associations requérantes, l’arrêté attaqué qui permet l’abattage de 170 bouquetins, sans vérification préalable de leur statut sérologique, porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts que les associations entendent défendre.
Il relève en effet à propos des différents intérêts publics en présence que :
- l’avis de l’ANSES du 30 novembre 2021 que le suivi sanitaire réalisé depuis 2012 montre que la situation s’est nettement améliorée dans l’ensemble du massif du Bargy et relève que « la séroprévalence ayant été divisée par 10 et la taille de la population ayant diminué d’un tiers, le nombre de bouquetins infectés présents dans le massif a fortement réduit ».
- ce rapport indique également que le risque de transmission de la brucellose, dans la population et vers d’autres espèces, a fortement diminué depuis 2013 et qu’aucun cas de transmission humaine n’a été relevé depuis cette date.
- le groupe d’expertise collective d’urgence (GECU) indique que « la contamination de bovins associée à la présence de bouquetins semble plus relever d’une transmission ponctuelle que d’une transmission continue […] et indique que « l’exposition au danger est rare en raison de faibles occasions de transmission interspécifique directe et très circonscrite dans l’espace et dans le temps pour les transmissions indirectes ».
- les pièces versées au dossier indiquent que les fromages affinés de plus de 60 jours ou consommés après cuisson ne présentent pas de risques pour le consommateur.
S’agissant de l’article 1er de l’arrêté, la condition d’urgence est donc constituée eu égard au caractère irréversible que présenterait l’exécution de l’arrêté litigieux, et alors que la suspension de cette exécution dans l’attente de l’examen de l’affaire au fond n’apparaît pas inconciliable avec la protection de la santé publique et le maintien de la filière agricole.
En revanche, le Juge des référés a considéré que la condition d’urgence n’était pas remplie pour les articles 2 et 4 de l’arrêté préfectoral. Ainsi :
- Sur la décision autorisant la capture d’au moins 30 individus marqués et l’abattage des individus après vérification de l’infection de ces animaux, le Juge relève que bien que l’abattage des bouquetins porte une atteinte grave aux intérêts défendus par les associations, au regard du caractère ciblé des animaux abattus après réalisation d’un test, l’intérêt général qui s’attache à la maîtrise de l’enzootie de brucellose ne permet pas de regarder la condition d’urgence comme remplie au cas d’espèce.
- Sur la décision autorisant, pour la période 2023-2030, la capture et le tir de bouquetins, les mesures prescrites tendant à la capture et au tir de bouquetins du Bargy, ne seront mises en œuvre qu’à compter de 2023, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie selon le Juge.
Abattage de bouquetins et doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté :
Les associations requérants invoquaient la méconnaissance des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement relatifs à la protection d’espèces animales non domestiques et des possibles dérogations à cette protection. Elles relevaient également que le bouquetin des Alpes est inclus dans la liste des mammifères terrestres protégés.
Selon le Juge des référés, l’abattage de bouquetins ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que si :
- d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante,
- d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
En l’espèce, le Juge des référés expose que :
- si la vaccination des bouquetins s’est avérée inefficace pour lutter contre la maladie de la brucellose, les différents rapports versés au dossier insistent sur la nécessité de renforcer les mesures générales (éviter les points d’agrégation, gardiennage ou présence de chiens, vigilance particulière sur les zones de pâturage précoce au printemps). Pour autant, il ne résulte pas des pièces du dossier qu’elles auraient été mises en œuvre au titre de l’année 2022, par des mesures ciblées sur les zones de succession rapprochée des bouquetins/cheptels domestiques telles que l’installation de clôtures adaptées et la mise en défens des zones-refuges de la faune sauvage,
- à ce titre, l’ANSES rappelle dans son avis du 30 novembre 2021 que « la maîtrise du risque via des mesures de biosécurité n’implique pas un bouleversement des pratiques agricoles, mais des actions ciblées dans l’espace et le temps, en nombre modéré,
- le Conseil National de la Protection de la Nature précise, dans son avis du 27 janvier 2022, que la mesure alternative visant à la conduite des troupeaux en vue d’une plus-value de biosécurité n’a jamais été soumise comme mesure complémentaire à évaluer dans les saisines ultérieures et n’est pas documentée dans les bilans sur les mesures sanitaires de maîtrise du foyer.
L’arrêté préfectoral a donc été suspendu partiellement du fait du non-respect de la condition liée à l’absence de solution alternative satisfaisante.