Eoliennes et site patrimonial remarquable
23 juin 2022Propagation de la brucellose et abattage de 170 bouquetins
10 août 2022L’âge minimal reste fixé à 16 ans pour les sapeurs-pompiers volontaires
Par une décision n° 451727 du 19 avril 2022, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires et sur la légalité des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de la sécurité intérieure qui permettent à des mineurs âgés de 16 à 18 ans d’accéder à de telles fonctions.
Le 15 décembre 2020, le syndicat SUD SDIS National a demandé au Premier ministre d’abroger les dispositions des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue du décret du 29 novembre 2003, en tant qu’elles permettent à des personnes mineures âgées d’au moins seize ans de s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires. Par une décision implicite, l’Etat a rejeté cette demande et a refusé d’abroger ces dispositions. Le syndicat SUD SDIS National a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de ce refus en se fondant sur le droit interne et sur le droit européen.
Sapeurs-pompiers volontaires et âge minimal :
Le code de la sécurité intérieure reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercées par les sapeurs-pompiers (article L. 723-1).
Il précise que :
- l’activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres (article L. 723-5)
- le sapeur-pompier volontaire prend librement l’engagement de se mettre au service de la communauté. Il exerce les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels. Il contribue ainsi directement, en fonction de sa disponibilité, aux missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d’incendie et de secours ou aux services de l’Etat qui en sont investis à titre permanent (article L. 723-6)
- le sapeur-pompier volontaire doit être âgé de seize ans au moins. Si le candidat est mineur, il doit être pourvu du consentement écrit de son représentant légal. (article R. 723-6)
- l’engagement est subordonné à des conditions d’aptitude physique et médicale correspondant aux missions effectivement confiées aux sapeurs-pompiers volontaires (article R. 723-7)
- un sapeur-pompier volontaire de moins de dix-huit ans doit, pour participer à une opération d’incendie ou de secours, être placé, pendant toute la durée de celle-ci, sous la surveillance d’un autre sapeur-pompier ayant la qualité de chef d’équipe ou comptant, à défaut, au moins cinq ans de services effectifs (article R. 723-10)
- les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient d’une formation initiale et d’une formation continue et de perfectionnement (article R. 723-16).
Sapeurs-pompiers volontaires et protection de l’intérêt supérieur de l’enfant :
Le syndicat SUD SDIS National soutenait que l’accès aux fonctions de sapeur-pompier volontaire par des mineurs de 16 ans et plus méconnaissait l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il se fondait sur le Préambule de la Constitution de 1946 qui énonce que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte de ces dispositions une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Au vu de l’ensemble des conditions d’accès et d’exercice des sapeurs-pompiers volontaires mineurs, le Conseil d’Etat relève que :
- l’engagement de mineurs âgés de plus de seize ans comme sapeurs-pompiers volontaires, susceptibles d’exercer les mêmes missions, potentiellement dangereuses, que les sapeurs-pompiers volontaires majeurs, repose sur le volontariat et le bénévolat et nécessite, outre le choix volontaire du mineur, le consentement écrit de son représentant légal
- cet engagement est subordonné à des conditions d’aptitude physique et médicale, certifiée par un médecin après examen de l’intéressé
- les sapeurs-pompiers volontaires mineurs doivent être encadrés en permanence, dans le cadre de leur participation à une opération d’incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expérimenté
- ils bénéficient aussi, avant toute participation à une activité opérationnelle, d’une formation adaptée dispensée tout au long d’une période probatoire qui ne peut être inférieure à un an et leur engagement opérationnel se fait de manière progressive au fur et à mesure de l’acquisition des compétences indispensables à leur sécurité.
Le Conseil d’Etat considère dès lors que la participation des sapeurs-pompiers volontaires mineurs à des activités de lutte contre l’incendie ou de secours, potentiellement dangereuses, est assortie de garanties pour assurer leur sécurité et préserver leur santé.
Il en déduit que dans ces conditions, eu égard au contenu du code de la sécurité intérieure, les articles réglementaires contestés par le Syndicat SUD SDIS National ne peuvent être regardés comme portant atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il écarte donc le moyen tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle, de même qu’il écarte celui tiré de la méconnaissance d’un principe général qui interdirait l’emploi de personnes de moins de dix-huit ans exposées à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou à des travaux excédant leur force.
Sapeurs-pompiers volontaires et directive sur la protection des jeunes au travail :
Le Syndicat SUD SDIS National soutenait que la possibilité ouverte à un mineur d’être sapeur-pompier volontaire méconnaissait les dispositions de la directive européenne 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail laquelle dispose que :
- les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le travail des enfants
- les États membres veillent à ce que le travail des adolescents soit strictement réglementé et protégé selon les conditions prévues par la présente directive
- les États membres veillent à ce que les jeunes soient protégés contre les risques spécifiques pour la sécurité, la santé et le développement, résultant d’un manque d’expérience, de l’absence de la conscience des risques existants ou virtuels, ou du développement non encore achevé des jeunes
- les États membres peuvent autoriser, pour les adolescents, des dérogations lorsqu’elles sont indispensables à la formation professionnelle des adolescents et à condition que la protection de la sécurité et de la santé de ceux-ci soit assurée du fait que les travaux sont effectués sous la surveillance d’une personne compétente
Si le Conseil d’Etat reconnaît que, eu égard aux missions qu’ils exercent, notamment de lutte contre les incendies et de secours aux personnes, les sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont susceptibles d’effectuer des travaux les exposant à certains des risques mentionnés dans la directive 94/33/CE du 22 juin 1994, il considère que ceux-ci bénéficient, avant toute participation à une activité opérationnelle, d’une formation initiale adaptée aux missions qui leur sont effectivement confiées.
Il précise que leur engagement opérationnel, qui suppose une actualisation continue des compétences, s’effectue de manière progressive, en fonction des modules de formation validés. Il poursuit en indiquant qu’un tel apprentissage progressif est indispensable à la formation professionnelle de ces adolescents qui ont choisi de s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires, laquelle implique nécessairement d’acquérir une expérience concrète et opérationnelle, et peut ainsi relever des dérogations autorisées par la directive 94/33/CE.
Le Conseil d’Etat relève que ces sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont encadrés en permanence, dans le cadre de leur participation à une opération de lutte contre l’incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expérimenté, qui est une personne compétente au sens de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, et que leur engagement, qui est subordonné à des conditions d’aptitude physique et médicale et nécessite le consentement écrit de leur responsable légal, s’effectue dans des conditions visant à garantir leur sécurité et la protection de leur santé, satisfaisant ainsi aux conditions prévues par la directive 94/33/CE.
Dès lors, le Conseil d’Etat considère que le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître les objectifs de la directive de 1994, autoriser des mineurs âgés de plus de seize ans à assurer des missions de sapeurs-pompiers volontaires.
Sapeurs-pompiers volontaires et engagements internationaux de la France :
Le syndicat SUD SDIS National soutenait que l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires méconnaissait des accords internationaux comme :
- la charte sociale européenne signée à Strasbourg le 3 mai 1996 dont l’article 7 fixe à 18 ans l’âge minimum d’admission à l’emploi pour certaines occupations déterminées, considérées comme dangereuses ou insalubres en vue d’assurer l’exercice effectif du droit des enfants et des adolescents à la protection
- l’article 3 de la convention internationale du travail n° 138 concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, adoptée à Genève le 26 juin 1973 dont l’article 3 stipule que l’âge minimum d’admission à tout type d’emploi ou de travail qui, par sa nature ou les conditions dans lesquelles il s’exerce, est susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents ne devra pas être inférieur à 18 ans
En effet, les stipulations d’un traité ou d’un accord régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution peuvent utilement être invoquées à l’appui d’une demande tendant à ce que soit annulé un acte administratif ou écartée l’application d’une loi ou d’un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu’elles contiennent, dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.
Cependant, les différentes stipulations rappelées dans la décision du 19 avril 2022 laissent une marge d’appréciation aux Etats parties à ces conventions internationales et requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers. Elles sont, par suite, dépourvues d’effet direct selon le Conseil d’Etat. Il rejette donc les moyens et la requête du syndicat SUD SDIS National et confirme la légalité de l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires fixé à 16 ans.