Par une décision n° 451727 du 19 avril 2022, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires et sur la légalité des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de la sécurité intérieure qui permettent à des mineurs âgés de 16 à 18 ans d’accéder à de telles fonctions.
Le 15 décembre 2020, le syndicat SUD SDIS National a demandé au Premier ministre d’abroger les dispositions des articles R. 723-6 et R. 723-10 du code de la sécurité intérieure, dans leur rédaction issue du décret du 29 novembre 2003, en tant qu’elles permettent à des personnes mineures âgées d’au moins seize ans de s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires. Par une décision implicite, l’Etat a rejeté cette demande et a refusé d’abroger ces dispositions. Le syndicat SUD SDIS National a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de ce refus en se fondant sur le droit interne et sur le droit européen.
Le code de la sécurité intérieure reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercées par les sapeurs-pompiers (article L. 723-1).
Il précise que :
Le syndicat SUD SDIS National soutenait que l’accès aux fonctions de sapeur-pompier volontaire par des mineurs de 16 ans et plus méconnaissait l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il se fondait sur le Préambule de la Constitution de 1946 qui énonce que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ». Le Conseil d’Etat rappelle qu’il résulte de ces dispositions une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Au vu de l’ensemble des conditions d’accès et d’exercice des sapeurs-pompiers volontaires mineurs, le Conseil d’Etat relève que :
Le Conseil d’Etat considère dès lors que la participation des sapeurs-pompiers volontaires mineurs à des activités de lutte contre l’incendie ou de secours, potentiellement dangereuses, est assortie de garanties pour assurer leur sécurité et préserver leur santé.
Il en déduit que dans ces conditions, eu égard au contenu du code de la sécurité intérieure, les articles réglementaires contestés par le Syndicat SUD SDIS National ne peuvent être regardés comme portant atteinte à l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il écarte donc le moyen tiré de la méconnaissance de cette exigence constitutionnelle, de même qu’il écarte celui tiré de la méconnaissance d’un principe général qui interdirait l’emploi de personnes de moins de dix-huit ans exposées à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou à des travaux excédant leur force.
Le Syndicat SUD SDIS National soutenait que la possibilité ouverte à un mineur d’être sapeur-pompier volontaire méconnaissait les dispositions de la directive européenne 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail laquelle dispose que :
Si le Conseil d’Etat reconnaît que, eu égard aux missions qu’ils exercent, notamment de lutte contre les incendies et de secours aux personnes, les sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont susceptibles d’effectuer des travaux les exposant à certains des risques mentionnés dans la directive 94/33/CE du 22 juin 1994, il considère que ceux-ci bénéficient, avant toute participation à une activité opérationnelle, d’une formation initiale adaptée aux missions qui leur sont effectivement confiées.
Il précise que leur engagement opérationnel, qui suppose une actualisation continue des compétences, s’effectue de manière progressive, en fonction des modules de formation validés. Il poursuit en indiquant qu’un tel apprentissage progressif est indispensable à la formation professionnelle de ces adolescents qui ont choisi de s’engager comme sapeurs-pompiers volontaires, laquelle implique nécessairement d’acquérir une expérience concrète et opérationnelle, et peut ainsi relever des dérogations autorisées par la directive 94/33/CE.
Le Conseil d’Etat relève que ces sapeurs-pompiers volontaires mineurs sont encadrés en permanence, dans le cadre de leur participation à une opération de lutte contre l’incendie ou de secours, par un sapeur-pompier expérimenté, qui est une personne compétente au sens de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, et que leur engagement, qui est subordonné à des conditions d’aptitude physique et médicale et nécessite le consentement écrit de leur responsable légal, s’effectue dans des conditions visant à garantir leur sécurité et la protection de leur santé, satisfaisant ainsi aux conditions prévues par la directive 94/33/CE.
Dès lors, le Conseil d’Etat considère que le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître les objectifs de la directive de 1994, autoriser des mineurs âgés de plus de seize ans à assurer des missions de sapeurs-pompiers volontaires.
Le syndicat SUD SDIS National soutenait que l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires méconnaissait des accords internationaux comme :
En effet, les stipulations d’un traité ou d’un accord régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution peuvent utilement être invoquées à l’appui d’une demande tendant à ce que soit annulé un acte administratif ou écartée l’application d’une loi ou d’un acte administratif incompatibles avec la norme juridique qu’elles contiennent, dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.
Cependant, les différentes stipulations rappelées dans la décision du 19 avril 2022 laissent une marge d’appréciation aux Etats parties à ces conventions internationales et requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers. Elles sont, par suite, dépourvues d’effet direct selon le Conseil d’Etat. Il rejette donc les moyens et la requête du syndicat SUD SDIS National et confirme la légalité de l’âge minimal des sapeurs-pompiers volontaires fixé à 16 ans.