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16 juillet 2024L’agenda d’un élu local est-il communicable ?
Par des décisions n° 474473 – 474474 – 474475 du 31 mai 2024, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles l’agenda d’un élu local peut-être communiqué.
Par trois démarches distinctes, une association a demandé la communication de l’agenda du maire de Nouméa, du président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et des membres du gouvernement, de la présidente de la Province Sud et de ses deux vice-présidents.
Intérêt à agir et communication de documents administratifs
Suite aux trois refus opposés par ces collectivités territoriales, l’association a saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui a rejeté les trois requêtes par des ordonnances du 20 avril 2024, c’est-à-dire sans que ces affaires soient examinées lors d’une audience, pour absence d’intérêt à agir de l’association au regard de son intérêt statutaire.
L’association a alors saisi le Conseil d’Etat de trois pourvois dirigés contre ces ordonnances.
Sur le fondement de l’article L. 562-1 et L. 562-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation de ces ordonnances au motif que la personne qui demande la communication de document administratif n’a pas à justifier d’un intérêt à agir à ce que les documents lui soient communiqués, ni, par suite de son intérêt à agir contre le refus de communiquer.
Evoquant ces affaires au fond, le Conseil d’Etat a ensuite tranché la question du caractère communicable ou non des agendas des élus locaux.
Communication des agendas des élus locaux : quel est le cadre juridique ?
La communication des documents administratifs est régie par :
- l’article L. 300-2 du CRPA: « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ».
- l’article L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA : Ne sont pas communicables un certain nombre de documents qui porteraient atteinte à divers secrets et intérêts et notamment les documents :
- 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires […],
- 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable,
- 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice.
- l’article L. 311-2 du CRPA : L’administration n’est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.
Communication des agendas des élus locaux dans quelles conditions ?
Le Conseil d’Etat considère que l’agenda d’un élu local, détenu par la collectivité territoriale au sein de laquelle il siège, se rapportant à des activités qui s’inscrivent dans le cadre de ses fonctions dans cette collectivité, présente le caractère d’un document administratif au sens de l’article L. 300-2 du CRPA à la différence de l’agenda personnel que cet élu peut détenir lui-même.
Il énonce qu’un tel document administratif est en principe communicable en vertu de l’article L. 311-1 du CRPA, sous réserve de l’occultation, le cas échéant, des mentions relatives à des activités privées ou au libre exercice du mandat électif ainsi que de celles dont la communication porterait atteinte à l’un des secrets et intérêts protégés par la loi, y compris des mentions qui seraient susceptibles de révéler le comportement de l’intéressé ou de tiers dans des conditions pouvant leur porter préjudice.
Communication des agendas des élus et charge disproportionnée pour l’administration
Après avoir rappelé les principes applicables, le Conseil d’Etat énonce cependant que l’administration n’est pas tenue de donner suite à une demande de communication lorsque, compte tenu de son ampleur, le travail de vérification et d’occultation ferait peser sur elle une charge disproportionnée.
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que l’association requérante a demandé la communication intégrale des agendas de différents élus locaux de Nouvelle-Calédonie sur de longues périodes pouvant porter sur plusieurs années.
Dès lors, le Conseil d’Etat a estimé que, eu égard à l’ampleur du travail de vérification préalable, constitutif d’une charge disproportionnée, qu’implique nécessairement l’examen des documents en cause afin d’apprécier si des mentions contenues dans ces agendas doivent faire l’objet d’une occultation et de procéder à de telles occultations, les administrations sollicitées ont pu légalement refuser de donner suite aux demandes de communication.
Par voie de conséquence, le Conseil d’Etat a jugé que l’association n’était pas fondée à demander l’annulation des décisions par lesquelles, respectivement, la maire de la commune de Nouméa, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la présidente de l’assemblée de la province Sud de la Nouvelle-Calédonie ont refusé de faire droit à ses demandes.