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25 avril 2023Un agent public peut-il contester un changement d’affectation ?
Par une décision n° 451970 du 8 mars 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la possibilité pour un agent de saisir le Juge administratif d’un recours dirigé contre un changement d’affectation.
Par une décision préfectorale du 25 janvier 2017, une attachée principale d’administration de l’Etat a été affectée d’office au secrétariat général de la préfecture. Elle a contesté cette décision par un recours gracieux puis par un recours contentieux.
Le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande par un jugement du 3 octobre 2019. La cour administrative d’appel de Lyon a également rejeté son recours par un arrêt du 25 février 2021 aux motifs qu’il s’agissait d’une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir.
La décision du Conseil d’Etat qui annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon apporte des précisions nouvelles lorsque le changement d’affectation intervient dans un contexte de harcèlement moral.
Changement d’affectation : une mesure d’ordre intérieur ?
Le Conseil d’Etat rappelle que les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours.
Il précise qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou de leur contrat, ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération.
Il rappelle qu’un recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable (solution retenue dans la décision n° 376224 du Conseil d’Etat du 25 septembre 2015).
Changement d’affectation et harcèlement moral
L’article L. 133-2 du code général de la fonction publique dispose que « aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Dans l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon, avait relevé que le changement d’affectation litigieux n’avait entraîné aucune modification de la situation professionnelle de la requérante tant en ce qui concerne la nature de ses fonctions que ses conditions de travail, n’avait pas porté atteinte à sa situation personnelle et n’avait pas présenté, dans les conditions où il était intervenu, le caractère d’une mesure discriminatoire. Par voie de conséquence, elle avait jugé que cette décision d’affectation constituait une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours pour excès de pouvoir.
Pour le Conseil d’Etat, il ressort cependant des pièces du dossier que la requérante soutenait que cette affectation d’office, alors qu’elle n’était pas candidate à ce poste, avait été prise, parmi des agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ces agissements avaient eu pour effet d’altérer sa santé, et faisaient partie des éléments caractérisant un harcèlement moral reconnu comme tel par un jugement du tribunal administratif de Bastia devenu définitif du 25 juin 2020.
Dès lors, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit en ne recherchant pas, au vu de cette argumentation, si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l’intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon et lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle l’examine à nouveau.