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20 février 2020Le tribunal administratif de Nice a annulé la procédure de délégation de service public balnéaire engagée par la Métropole Nice Côte d’Azur alors qu’elle n’était pas encore gestionnaire de la plage.
Par trois décisions n° 1905398, 1905413 et 1905411 rendues le 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nice a annulé dans son intégralité la procédure de délégation de service public balnéaire engagée par la métropole Nice Côte d’Azur pour l’exploitation de plusieurs lots de plage de la plage de Nice.
Contexte de la délégation du service public balnéaire de Nice
Par arrêté préfectoral du 12 octobre 2007, la concession de la plage naturelle de Nice a été attribuée jusqu’au 31 décembre 2019 à la commune de Nice. Les délégations de service public balnéaire consenties par la commune à différents plagistes expiraient le 31 décembre 2019.
En application de l’article L. 5317-2 du code général des collectivités territoriales, et par une délibération du 1er février 2018, la métropole Nice Côte d’Azur a fait valoir l’exercice de son droit de priorité en vue d’obtenir l’attribution de la concession de la plage naturelle de la commune Nice par l’État pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031. Par un avis de concession publié le 26 octobre 2018, la métropole a engagé une procédure de délégation de service public portant sur quatorze lots d’établissements de bains, consistant en l’exploitation de la plage et en une activité de restauration. Les sociétés Les Voiliers, Sporting et Lido Plage, qui étaient les exploitants en place des lots 5, 9 et 10 ont présenté des offres pour ces lots.
Par une délibération du 25 octobre 2019, le conseil métropolitain de la métropole Nice Côte d’Azur a choisi les attributaires des contrats de sous-concession portant sur l’exploitation des différents lots de plage. Par courriers du 30 octobre 2019, les sociétés Lido Plage, Les Voiliers et Sporting ont été informées que leur offre n’avait pas été retenue. Les trois sociétés ont alors saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice afin d’obtenir l’annulation de la procédure de délégation de service public.
L’incompétence de la Métropole Nice Côte d’Azur
Conformément aux règles de droit public, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a soulevé d’office le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur des décisions contestées. Il a en effet considéré que la concession de la plage de Nice par l’État nécessitait au préalable l’intervention d’un arrêté préfectoral choisissant la personne publique concessionnaire, arrêté qui ne pouvait être pris qu’au terme d’une procédure d’enquête publique prévue par l’article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques. Or, l’arrêté du Préfet des Alpes-Maritimes portant ouverture d’une enquête publique relative à l’attribution de la concession des plages naturelles de Nice au profit de la métropole Nice Côte d’Azur n’a été signé que le 26 août 2019 et a fixé la date de clôture de l’enquête publique au 25 octobre 2019 à 17 heures 30.
La délibération du conseil métropolitain du 25 octobre 2019 choisissant les attributaires des contrats est ainsi intervenue avant le terme de l’enquête publique, et avant même que le commissaire enquêteur n’ait rendu son rapport ou émis son avis, et, en tout état de cause, en l’absence d’arrêté préfectoral attribuant à la métropole la concession de la plage naturelle de Nice. Le juge des référés a jugé que la Métropole Nice Côte d’Azur n’étant pas titulaire de la concession des plages lorsqu’elle a engagé la consultation, elle ne pouvait mettre en œuvre la procédure de délégation du service public balnéaire.
Autorité incompétente : quels effets sur la procédure de délégation ?
Aux termes de l’ordonnance du Juge des référés, si la Métropole Nice Côte d’Azur a fait valoir que la délibération du 25 octobre 2019 mentionne expressément que les contrats de concession de plage ne seront signés qu’à compter de la date à laquelle le Préfet aura concédé le domaine public à la métropole, il n’en demeure pas moins que la procédure de passation de la délégation de service public a été menée par une autorité incompétente et, par voie de conséquence, que la phase d’analyse des offres et de choix des candidats retenus a été réalisée par une commission de délégation de service public irrégulièrement composée, ce qui a été susceptible d’avoir une incidence sur l’appréciation des offres.
De même, si la Métropole Nice Côte d’Azur soutenait que la procédure a été initiée par ses soins en vue d’assurer la continuité du service public balnéaire, en ce qu’elle prévoyait qu’elle serait concessionnaire de la plage naturelle de Nice à la date de signature du contrat, et, en tout état de cause, à compter de son exécution, cette seule circonstance ne lui permettait pas de diligenter la procédure de délégation de service public balnéaire objet du litige. Il lui appartenait, en revanche, de solliciter du Préfet des Alpes-Maritimes l’ouverture au plus tôt de l’enquête publique qui précède l’attribution de la concession, laquelle n’est intervenue que plus d’un an après que la collectivité a exercé son droit de priorité.
A ce titre, l’arrêté préfectoral du 26 novembre 2019 portant attribution au profit de la Métropole Nice Côte d’Azur de la concession des plages naturelles sur la commune de Nice pour une durée de douze ans à compter du 1er janvier 2020, ainsi que la signature de la concession des plages naturelles de la commune de Nice qui est intervenue le même jour, soit la veille de l’audience publique, et qui ont été produites par la Métropole, ne sauraient régulariser la procédure entachée d’illégalité depuis son commencement.
De plus, la Métropole ne saurait justifier sa démarche au nom du principe de continuité du service public balnéaire en ce qu’elle serait concessionnaire de la plage naturelle de Nice à la date de signature des contrats, et en tout état de cause, à compter de leur exécution, il ne lui appartenait pas de se saisir de cette exigence en lieu et place de la commune de Nice qui était le concessionnaire en titre lorsque la procédure a été initiée.
Au surplus, alors même que la compétence de la métropole n’est pas remise en question s’agissant de l’exploitation du local situé sur son domaine public, il ressort des pièces du dossier, et notamment du règlement de consultation, qu’elle entendait affecter ce
lieu à « l’exploitation exclusive d’un établissement de bains de mer avec éventuellement, restauration », ce qui illustre sa volonté de conclure une délégation de service public balnéaire. A ce titre, il convient de souligner que le choix avait été fait de signer un sous-traité unique pour l’exploitation conjointe de la plage surplombée par ce local.
Par voie de conséquence, le juge des référés a considéré que la Métropole, qui était incompétente pour initier la procédure de sous-concession litigieuse, ne pouvait ni élaborer les documents du règlement de consultation, ni décider de la nature ainsi que de la pondération des critères d’évaluation des offres. Outre la lésion causée aux sociétés requérantes, dont la teneur des offres aurait pu être estimée plus avantageuse en réponse à un appel d’offre régulièrement initié, il relève qu’il n’est pas exclu que d’autres sociétés se soient abstenues de soumissionner, ce qui a été susceptible d’avoir au final une incidence sur l’appréciation des offres.
En application des règles de droit public, le Juge des référés a dès lors considéré que les candidats évincés étaient fondés à demander l’annulation, dans son intégralité, de la procédure de délégation des trois lots de plages.
Source photographique :
Ernmuhl at lb.wikipedia [CC BY-SA]