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12 septembre 2024Un conseiller municipal peut bénéficier de la protection fonctionnelle
Par un arrêt n° 22VE01436 du 9 février 2024, la cour administrative d’appel de Versailles a statué sur le champ d’application de la protection fonctionnelle et sur la possibilité pour un conseiller municipal d’en bénéficier.
Le conseil municipal d’une commune avait accordé la protection fonctionnelle à 23 élus de la majorité municipale, dont le maire. Sur demande d’un tiers, ancien adjoint au maire précédant, le tribunal administratif de Versailles par un jugement n° 2001705 du 14 avril 2022 a annulé certaines de ces délibérations. La commune a fait appel de ces décisions.
La protection fonctionnelle avait été accordée par le conseil municipal à ces élus suite à un litige portant sur le contenu d’une tribune paru dans le journal communal et à une action judiciaire engagée par un ancien élu sur le terrain de la diffamation publique, à l’issue de laquelle seul le maire avait d’ailleurs été condamné. Cette protection fonctionnelle avait pour objet de couvrir les frais d’avocat nécessaires pour assurer leur défense.
Dans son arrêt qui distingue le maire et les conseillers municipaux ayant reçu délégation d’une part, et les conseillers municipaux sans délégation d’autre part, la cour administrative d’appel de Versailles innove en étendant la protection fonctionnelle à ces derniers sur le fondement d’un principe général du droit.
Protection fonctionnelle et maire ou conseillers municipaux ayant reçu délégation :
La cour rappelle l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales qui dispose que :
- sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de ses fonctions que s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie.
- la commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions
La cour en déduit que ces dispositions ne permettent à une commune d’accorder sa protection qu’au maire ou aux seuls élus municipaux suppléant le maire ou ayant reçu une délégation de la part de ce dernier.
Protection fonctionnelle et conseillers municipaux sans délégation :
Par voie de conséquence, la cour a estimé que la commune ne pouvait, sur le fondement de l’article L. 2123-34 du CGCT, accorder la protection fonctionnelle à des conseillers municipaux dépourvus de toute délégation du maire.
La cour poursuit cependant son raisonnement en rappelant que lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte ou d’un autre principe que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l’excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte ou du principe sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.
Protection fonctionnelle et absence de faute personnelle :
Selon la cour, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cadre d’une instance civile non seulement en le couvrant des condamnations civiles prononcées contre lui mais aussi en prenant en charge l’ensemble des frais de cette instance, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable.
De même, il lui incombe de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet.
La cour y voit un principe général du droit qui a d’ailleurs été expressément réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires, par le code de la fonction publique et par le CGCT, pour les exécutifs des collectivités territoriales.
Elle précise que cette protection s’applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d’accès à leurs fonctions, notamment à l’ensemble des conseillers municipaux, même ceux n’ayant pas reçu de délégation du maire et n’exerçant en conséquence pas de fonction exécutive.
Protection fonctionnelle et absence d’agissements propres :
Au cas d’espèce, la cour administrative d’appel relève que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles avait annulé les mises en examen des conseillers municipaux en relevant qu’aucun d’entre eux n’avait signé la tribune diffamatoire, ni participé à sa rédaction, ni même fourni matière à sa préparation. Le maire de la commune en était le seul auteur et aucune pièce du dossier ne permet par ailleurs d’établir que les conseillers municipaux poursuivis auraient été impliqués directement ou indirectement dans la préparation ou l’élaboration de cette tribune.
Il apparaît dès lors que cette tribune ne saurait en conséquence être regardée comme l’expression d’un groupe politique. Il en résulte que les conseillers municipaux mis en cause l’ont été non pas en raison de leurs agissements propres, mais uniquement parce qu’ils avaient été fallacieusement mentionnés par le maire de la commune, en leur qualité de conseillers municipaux de la majorité, en tant que co-auteurs ou soutiens de la tribune diffamatoire.
Il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux poursuivis du délit de complicité de diffamation publique n’ont en réalité aucunement participé à l’élaboration de la tribune diffamatoire, mais ont été impliqués à leur insu par le maire, du fait même de leur qualité de conseillers.
En raison de ces circonstances particulières, le tiers requérant n’est pas fondé à soutenir que les faits en litige ne relèveraient pas du champ d’application de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, ni du principe général du droit à la protection fonctionnelle.