Pollution des milieux aquatiques
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14 septembre 2023Déchets et biens en état d’abandon sur le terrain d’un particulier
Par une décision n° 457040 du 26 juin 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la notion de déchet à la demande d’une commune qui avait mis en demeure un particulier d’éliminer les déchets présents sur sa propriété.
Par un arrêté du 6 décembre 2017, le Maire de la commune de Marigny-le-Lozon a mis à la charge d’un particulier une astreinte de 50 euros par jour, dans la limite de 8 400 euros, jusqu’à ce qu’il satisfasse à la mise en demeure signifiée par arrêté du 7 avril 2017 lui enjoignant d’éliminer les déchets présents sur sa propriété.
Ce particulier a saisi le tribunal administratif de Caen d’une demande d’annulation de cet arrêté qui a été rejeté par un jugement n° 1800278 du 7 février 2020. Saisie d’une requête d’appel, la cour administrative d’appel de Nantes a également rejeté sa demande par un arrêt n° 20NT01183 du 5 mars 2021. Enfin, saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a rejeté sa requête.
Déchets et code de l’environnement
Le Conseil d’Etat rappelle le cadre législatif de la notion de déchet tel qu’il résulte du code de l’environnement, à savoir :
- l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, pris pour la transposition de la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, définit comme :
- déchet: toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire,
- détenteur de déchets: toute personne qui se trouve en possession des déchets,
- producteur de déchets: toute personne dont l’activité produit des déchets ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets.
- l’article L. 541-2 du code de l’environnement dispose que tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion, dans le cadre de la prévention et de la gestion des déchets.
- l’article L. 541-3 du code de l’environnement confèrent des pouvoirs de police spéciale aux autorités administratives compétentes :
- à l’encontre d’un producteur ou d’un détenteur de déchets
- à qui il est reproché d’avoir abandonné, déposé ou géré des déchets contrairement aux prescriptions du code de l’environnement.
Déchets : réutilisation certaine ou abandon ?
Le Conseil d’Etat énonce qu’un déchet est un bien dont son détenteur se défait ou dont il a l’intention de se défaire, sans qu’il soit besoin de déterminer si ce bien a été recherché comme tel dans le processus de production dont il est issu.
Pour apprécier si un bien constitue ou non un déchet, le Conseil d’Etat considère qu’il faut notamment prendre en compte le caractère suffisamment certain d’une réutilisation du bien sans opération de transformation préalable.
Ainsi, lorsque des biens se trouvent, compte tenu en particulier de leur état matériel, de leur perte d’usage et de la durée et des conditions de leur dépôt, en état d’abandon sur un terrain, ils peuvent alors être regardés comme des biens dont leur détenteur s’est effectivement défait et présenter dès lors le caractère de déchets au regard des dispositions de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement, alors même qu’ils y ont été déposés par le propriétaire du terrain.
Au regard des considérations ainsi énoncées par le Conseil d’Etat, celui-ci estime que ces critères ne sont pas susceptibles de remettre en cause leur qualification comme déchet lorsque les circonstances révèlent que la réutilisation de ces biens sans transformation n’est pas suffisamment certaine, les seules affirmations du propriétaire indiquant qu’il n’avait pas l’intention de se défaire de ces biens.
Déchets et biens abandonnés par un propriétaire sur son propre terrain
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a examiné l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes et a considéré que :
- pour juger que les objets accumulés par le requérant sur un terrain lui appartenant, lequel contestait les avoir abandonnés, pouvaient être regardés comme des déchets au sens des dispositions du code de l’environnement, la cour administrative d’appel de Nantes a relevé que le terrain était recouvert de très nombreux objets hétéroclites et usagés et précisé qu’il n’était pas établi qu’ils pourraient faire l’objet, sans transformation préalable, d’une utilisation ultérieure.
- la cour administrative d’appel a ainsi caractérisé la situation d’abandon de biens dont, eu égard à leur état matériel, leur perte d’usage et aux modalités de leur dépôt, le détenteur, quoiqu’il les ait laissés entreposés sur un terrain lui appartenant, peut être regardé comme s’en étant effectivement défait, en leur donnant ainsi le caractère de déchets, après avoir pris en compte la circonstance que leur réutilisation sans opération de transformation préalable n’était pas suffisamment certaine.
Par voie de conséquence, le Conseil d’Etat a estimé qu’en jugeant que les objets se trouvant sur la propriété du particulier devaient être regardés comme des déchets, la cour administrative d’appel qui n’a pas commis d’erreur de droit, n’a pas donné aux faits une inexacte qualification juridique.