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17 mars 2020L’arrêté de fermeture d’un théâtre doit être motivé en fait et en droit
Par un jugement n° 1803461 du 24 janvier 2020, le Tribunal administratif de Nîmes a annulé l’arrêté du 12 juillet 2018 par lequel le maire d’Avignon a prononcé la fermeture du théâtre « Le 11 Gilgamesh Belleville », établissement recevant du public.
Commission de sécurité et succession de décisions administratives
La société « Le 11 Gilgamesh Belleville » a engagé des travaux d’aménagement d’un théâtre, bien connu des festivaliers d’Avignon, qui concernaient au rez-de-chaussée, deux salles de spectacles et un espace de restauration et, à l’étage, une salle de spectacle, pouvant accueillir au total plus de 500 personnes. Des avis favorables sous réserve de l’exécution de travaux et mesures de sécurité ont été émis en juin 2018 par le service départemental d’incendie et de secours et par la commission communale de secours.
Cependant, à la suite d’une visite de cet établissement recevant du public de la commission communale de sécurité le 3 juillet 2018, le projet a fait l’objet d’un avis défavorable à l’ouverture de l’établissement au public dans le cadre du festival d’Avignon 2018. Enfin, la commission de sécurité a constaté le 9 juillet 2018 l’ouverture de fait, sans autorisation, de l’établissement et a émis le 10 juillet 2018 un nouvel avis défavorable à l’ouverture au public de l’établissement.
Par arrêté du 11 juillet 2018, le maire d’Avignon a mis en demeure la société Le 11 Gilgamesh Belleville de réaliser une liste de travaux et l’a invitée à présenter ses observations sur la fermeture, envisagée dans les huit jours, de cet établissement recevant du public.
Pourtant, sans attendre ce délai, par un arrêté du 12 juillet 2018, le maire d’Avignon a retiré la mise en demeure du 11 juillet et a prononcé la fermeture immédiate du théâtre jusqu’à sa mise en conformité aux règles de sécurité contre le risque d’incendie.
Constatant le non-respect de son arrêté de fermeture, le maire d’Avignon a mis en demeure, le 17 juillet 2018, la société « Le 11 Gilgamesh Belleville » de respecter son arrêté du 12 juillet. Enfin, à la suite d’une nouvelle visite de la commission communale de sécurité le 19 juillet, le maire d’Avignon a pris le même jour deux arrêtés, l’un autorisant l’ouverture au public du rez-de-chaussée de l’établissement jusqu’au 29 juillet 2018 et l’autre prononçant la fermeture de sa partie R+1.
La société « Le 11 Gilgamesh Belleville » a saisi le tribunal administratif de Nîmes d’une demande d’annulation des trois arrêtés du maire d’Avignon des 12, 17 et 19 juillet 2018 portant sur cet établissement recevant du public.
Obligation de motiver un arrêté de fermeture d’un établissement recevant du public
Pour examiner la légalité de l’arrêté de fermeture du 12 juillet 2018, le juge administratif a fait une application combinée des dispositions des articles :
- 2212-2 du code général des collectivités territoriales sur l’objet de la police municipale, à savoir le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques
- 11-8-3, L. 123-4, R. 123-46 et R. 123-52 du code de la construction et de l’habitation sur les conditions d’ouverture des établissements recevant du public
- 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration
Droit public et motivation en fait
Dans son arrêté du 12 juillet 2018, le maire d’Avignon indiquait que l’état des locaux compromet gravement la sécurité du public et en exige la fermeture immédiate, et que l’évacuation sûre, rapide et en bon ordre du public, les dispositifs pour limiter le développement et la propagation du feu, l’intervention rapide et efficace des services d’incendie et de secours ne sont pas garantis.
Toutefois, l’arrêté ne détaillait pas les travaux et aménagements à réaliser afin de lever ces risques et de permettre la réouverture des locaux, et ce d’autant plus qu’il retirait dans le même temps sa mise en demeure du 11 juillet 2018 qui identifiait sept anomalies générant des risques pour le public et listait vingt-deux prescriptions à exécuter de manière urgente.
De plus, l’arrêté se référait à l’avis défavorable de la commission de sécurité du 10 juillet 2018 qui n’était pas joint à l’arrêté attaqué et dont la notification à l’intéressée n’était pas établie.
Dès lors, conformément aux règles habituelles du droit public, le tribunal a considéré que la société « Le 11 Gilgamesh Belleville » n’a pas été mise à même de connaître, à la seule lecture de l’arrêté du 12 juillet 2018, les motifs précis de la fermeture du théâtre ni les conditions de la réouverture de cet établissement recevant du public.
Droit public et motivation en droit
S’agissant de la motivation en droit applicable à un établissement recevant du public, le tribunal relève que l’arrêté du maire d’Avignon du 12 juillet 2018 vise :
- uniquement l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales relatif aux pouvoirs de police générale du maire et l’article R. 123-52 du code de la construction et de l’habitation relatif à ses pouvoirs de police spéciale en cas de risque d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, et, en leur entier le décret du 8 mars 1995 relatif à la commission de sécurité ainsi que l’arrêté ministériel du 25 juin 1980 portant règlement de sécurité.
- également un article L. 123-27 du code de la construction et de l’habitation qui n’existe pas et ne mentionne aucune des dispositions de ce code relatives à la nécessité d’une autorisation d’ouverture après avis de la commission de sécurité, alors que l’absence de ces formalités fait partie des motifs de fait sur lesquelles le maire s’est fondé.
Le tribunal en tire donc la conclusion que l’arrêté relatif à cet établissement recevant du public n’est pas motivé en droit.
Annulation pour vice de forme substantielle et droit public
Au terme d’un raisonnement classique en droit public, le tribunal administratif de Nîmes a donc jugé que l’arrêté du maire d’Avignon du 12 juillet 2018 n’était pas suffisamment motivé en droit et en fait et que, s’agissant d’un vice de forme substantiel, la commune d’Avignon ne pouvait utilement soutenir que son arrêté n’avait privé l’intéressée d’aucune garantie.
Aucune régularisation de cet arrêté relatif à un établissement recevant du public n’était donc envisageable en application de la jurisprudence « Danthony » dégagée par la décision d’Assemblée n° 335053 du 23 décembre 2011 du Conseil d’Etat.
Par voie de conséquence, le tribunal a prononcé l’annulation de l’arrêté du maire d’Avignon conformément aux règles de droit public applicables en matière de sécurité du public et en matière d’établissement recevant du public.