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9 juillet 2020Absence d’intérêt à agir d’une association de colotis pour contester un permis de construire dans son propre lotissement
Par un jugement n° 1900589 du 31 janvier 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours d’une association de colotis dirigé contre un permis de construire divers bâtiments sur un terrain faisant partie d’un lotissement. Il prend en compte l’apport de la Loi ALUR.
Cahier des charges du lotissement et urbanisme
Une société a déposé le 18 mai 2017 une demande de permis de construire pour la réalisation de deux collectifs comprenant vingt-six logements ainsi qu’un bâtiment à usage de garage et la réhabilitation d’une autre construction existante à usage de garage, ce permis valant permis de démolir plusieurs autres bâtiments sur un terrain situé à Concarneau. Par un arrêté du 10 août 2018, le maire de la commune de Concarneau lui a délivré le permis de construire sollicité.
L’association Bienvenue au Cabellou, regroupant les propriétaires du lotissement, a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler cet arrêté au motif notamment de la méconnaissance du cahier des charges du lotissement.
Le lotissement, créé sur la pointe du Cabellou, a été approuvé par le Préfet du Finistère le 1er juillet 1926 sur le fondement de la loi du 14 mars 1919 concernant les plans d’extension et aménagement des villes modifiée par la loi du 19 juillet 1924. Conformément aux dispositions alors en vigueur, ce lotissement est pourvu d’un cahier des charges des ventes stipulant les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques du lotissement.
Selon le tribunal administratif, les servitudes ainsi adoptées devaient être regardées, depuis l’entrée en vigueur du décret n° 59-898 du 28 juillet 1959, comme un règlement de lotissement. Il rappelle également les modifications du régime juridique du cahier des charges et sa portée en droit de l’urbanisme et entre les colotis.
Portée du cahier des charges du lotissement : du nouveau avec la Loi ALUR
La portée du cahier des charges d’un lotissement a connu plusieurs régimes juridiques successifs.
- de la Loi du 6 janvier 1986 à la Loi ALUR
La loi n° 86-13 du 6 janvier 1986 a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 315-2-1, devenu l’article L. 442-9 le 1er octobre 2007, en vertu duquel les règles d’urbanisme des lotissements cessaient de s’appliquer au terme de dix années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir lorsqu’un plan d’occupation des sols ou un document d’urbanisme en tenant lieu avait été approuvé. Toutefois, une majorité de colotis pouvait demander le maintien de ces règles, auquel cas elles ne pouvaient cesser de s’appliquer que sur décision expresse de l’autorité compétente.
En l’espèce, le tribunal administratif de Rennes rappelle que les règles, directement applicables aux lotissements créés depuis plus de dix ans, y compris ceux créés sur le fondement de la loi du 14 mars 1919, ont emporté, dès leur entrée en vigueur, la caducité des règles d’urbanisme de ces lotissements dès lors qu’ils étaient couverts par un plan d’occupation des sols ou un document d’urbanisme en tenant lieu et que le maintien des règles d’urbanisme du lotissement n’avait pas été préalablement demandé par une majorité de colotis.
Il rappelle également qu’en tout état de cause, ni les droits et obligations régissant les rapports entre colotis contenus dans le cahier des charges du lotissement ni le mode de gestion des parties communes n’étaient frappés de cette caducité.
- depuis la Loi ALUR du 24 mars 2014
Confirmant la règle de caducité au terme de dix années à compter de l’autorisation de lotir, la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové (ALUR) a :
- supprimé la possibilité pour une majorité de colotis de demander le maintien des règles d’urbanisme de leur lotissement au terme de ce délai
- institué l’article L. 442-9 al. 2 du code de l’urbanisme selon lequel : « De même, lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu, dès l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ».
En l’espèce, le 27 mars 2014, date d’entrée en vigueur de la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, la commune de Concarneau était couverte par le plan local d’urbanisme qu’elle avait approuvé le 12 octobre 2007. Ainsi, à supposer même qu’une majorité de colotis aient demandé le maintien des règles d’urbanisme contenues dans le cahier des charges du lotissement créé sur la pointe du Cabellou, ces règles ont immédiatement cessé de s’appliquer dès le 27 mars 2014. La circonstance qu’une convention signée les 19 décembre 1968 et 2 juin 1969 entre l’ancienne association syndicale autorisée et le maire de Concarneau ait rappelé à ces dates que les clauses du cahier des charges restaient imposables aux riverains actuels et futurs est sans incidence sur la situation découlant de l’application de la Loi ALUR.
Le tribunal administratif précise que conformément aux dispositions de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme, seuls les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement et le mode de gestion des parties communes, dont le respect ne peut être assuré que sous le contrôle du juge judiciaire, ne sont pas remis en cause.
Absence d’intérêt à agir de l’association des propriétaires du lotissement
L’intérêt du jugement du tribunal administratif de Rennes est d’examiner la recevabilité de la requête dont il est saisi et l’intérêt à agir de l’association au prisme de la portée du cahier des charges qu’elle invoquait.
Pour ce faire, il commence par relever que, en déclarant le 23 février 2017 pour objet statutaire, notamment « dans l’attente de l’inscription de l’Association Syndicale Libre du Cabellou (ASLC), l’Association Bienvenue au Cabellou (ABC) permettra notamment aux propriétaires actuels et futurs de respecter et de faire respecter les articles 8 et 10 du Cahier des Charges qui précisent que les acquéreurs s’interdiront tout morcellement de leur terrain en lots d’une superficie inférieure à mille mètres carrés et qu’ils ont obligation de présenter tout projet de construction au Conseil pour validation », l’association Bienvenue au Cabellou n’a pu entendre que faire respecter des droits et obligations de nature privée et non des règles d’urbanisme.
Le tribunal relève également que les deux autres objets de l’association, à savoir que « l’ABC a pour objet de recréer une Association Syndicale Libre regroupant tous les propriétaires du lotissement Leboucq selon ce qui est stipulé dans son Cahier des Charges qui est le texte de référence de l’ABC » et que « l’ABC veillera au respect du Cahier des Charges lors de l’élaboration des Plans locaux d’urbanisme conformément à la Convention du 11 décembre 1968 signée par la Municipalité et les propriétaires qui confirme le caractère définitif du Cahier des Charges », tendent seulement à la création d’une association syndicale libre et au contrôle des plans locaux d’urbanisme.
Les Juges en concluent alors strictement mais logiquement que la commune de Concarneau est fondée à soutenir que les objets statutaires de l’association Bienvenue au Cabellou ne lui confèrent pas un intérêt à contester les autorisations d’urbanisme, même délivrées pour des terrains compris dans le périmètre du lotissement créé en 1926. Il en déduit que la requête de l’association doit être rejetée comme irrecevable.
Cette solution assez stricte quant aux règles de recevabilité des recours et d’intérêt à agir est conforme à l’évolution actuelle des règles de droit public. Celle-ci s’inscrit dans une tendance générale qui se caractérise par une restriction de l’accès au juge administratif en matière de contentieux de droit de l’urbanisme et de contestation des autorisations d’urbanisme. En l’espèce, les dispositions de la Loi ALUR propres au règlement de lotissement auront donc eu des conséquences inattendues en matière de recevabilité d’une action dirigée contre un permis de construire.