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28 septembre 2022Egalité de traitement entre fonctionnaires et contractuels pour le versement d’indemnités de sujétions
Par une décision n° 452547 du 12 avril 2022, le Conseil d’Etat a consacré le principe d’égalité entre agents publics en retenant une conception fonctionnelle.
La Fédération Sud Education a saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à la modification des dispositions du décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » et « Réseau d’éducation prioritaire », et ce afin d’inclure les assistants d’éducation dans la liste des catégories de personnels bénéficiant de l’indemnité de sujétions créée par ce décret.
Elle demandait également au Conseil d’Etat d’enjoindre au Premier ministre de modifier, dans un délai d’un mois, les dispositions de ce décret, afin d’inclure les assistants d’éducation dans la liste des catégories de personnels bénéficiant de l’indemnité de sujétions créée par ce décret.
Le Conseil d’Etat a accueilli ses demandes.
Une indemnité de sujétions réservée aux fonctionnaires et à certains contractuels
Le décret du 28 août 2015 réservait le bénéfice de l’indemnité de sujétions à certains personnels de l’éducation, à savoir des fonctionnaires et certains agents contractuels.
Cette indemnité de sujétions devait bénéficier aux fonctionnaires suivants selon les termes du décret :
- aux personnels enseignants, aux conseillers principaux d’éducation, aux personnels de direction, aux personnels administratifs et techniques, aux psychologues de l’éducation nationale de la spécialité « éducation, développement et apprentissage » qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant, respectivement, du programme « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » (REP+) ou du programme « Réseau d’éducation prioritaire » (REP),
- aux personnels sociaux et de santé affectés dans ces écoles ou établissements, aux psychologues de l’éducation nationale de la spécialité « éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle » ainsi qu’aux personnels sociaux et de santé qui, même sans être affectés dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP, exercent leurs fonctions dans au moins une de ces écoles ou établissements.
Par ailleurs, s’agissant des agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d’enseignement, d’éducation et d’orientation dans les écoles et les établissements d’enseignement du second degré, le décret du 29 août 2016 précise que :
- des agents contractuels peuvent être recrutés pour exercer des fonctions d’enseignement, d’éducation et d’orientation dans les écoles, les établissements publics d’enseignement du second degré ou les services relevant du ministre chargé de l’éducation nationale (article 1er)
- les agents contractuels régis par le présent décret perçoivent, dans les mêmes conditions que les agents titulaires exerçant les mêmes fonctions, les primes et indemnités dont ces derniers bénéficient, sauf disposition réglementaire en réservant expressément le bénéfice aux seuls fonctionnaires » (article 11).
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que les agents contractuels exerçant des fonctions d’enseignement, d’orientation et d’éducation dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ ou REP bénéficient de l’indemnité de sujétions prévue par le décret du 28 août 2015.
Le décret excluait cependant les assistants d’éducation qui sont recrutés par contrat en application du décret n° 2003-484 du 6 juin 2003.
Le Conseil d’Etat a censuré cette exclusion par une décision qui constitue un apport très important au droit de la fonction publique.
Principe d’égalité de traitement des agents publics
. le principe d’égalité
Dans sa décision, le Conseil d’Etat rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
. la situation d’agents publics
Le Conseil d’Etat poursuit en précisant que ces modalités de mise en œuvre du principe d’égalité sont applicables à l’édiction de normes régissant la situation d’agents publics qui, en raison de leur contenu, ne sont pas limitées à un même corps ou à un même cadre d’emplois de fonctionnaires.
Ce faisant, et c’est une novation, il évoque comme critère commun la situation des agents publics sans distinguer entre les fonctionnaires et les contractuels. Bien plus, ce sont les missions et conditions d’exercice des fonctions exercées par l’agent public qu’il prend en considération.
. les fonctions exercées par l’agent public comme critère
Au cas d’espèce, il relève ainsi que l’indemnité de sujétions vise :
- d’une part, à prendre en compte les sujétions particulières attachées aux conditions d’exercice par ces personnels de leurs fonctions et à les inciter à demander une affectation et à servir durablement dans ces écoles ou établissements, de façon à y améliorer la stabilité des équipes pédagogiques et de vie scolaire,
- d’autre part, à la suite de la modification du décret du 28 août 2015 par le décret du 28 juin 2021, à valoriser l’engagement professionnel collectif des équipes exerçant dans une école ou un établissement relevant du programme REP+.
Indemnité de sujétion, agents contractuels et assistants d’éducation
Pour reconnaître le bénéfice de l’indemnité de sujétion aux assistants d’éducation, agents contractuels, le Conseil d’Etat énonce un raisonnement en plusieurs temps :
. Il indique d’abord que le décret du 28 août 2015 accorde le bénéfice de cette indemnité de sujétions à l’ensemble des personnels enseignants, des conseillers principaux d’éducation, des personnels de direction, des personnels administratifs et techniques, des psychologues de l’éducation nationale de la spécialité » éducation, développement et apprentissage » qui exercent leurs fonctions dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP.
. Il précise ensuite que, en vertu des dispositions du décret du 29 août 2016, les agents contractuels recrutés pour exercer des fonctions d’enseignement, d’éducation et d’orientation dans ces mêmes écoles ou établissements bénéficient également de cette indemnité de sujétions, sans qu’y fasse obstacle, le cas échéant, la circonstance qu’ils soient recrutés par contrat à durée déterminée.
. Il considère enfin que, au regard de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions, les assistants d’éducation servant dans les écoles ou établissements relevant des programmes REP+ et REP sont exposés à des sujétions comparables à celles des personnels titulaires et contractuels bénéficiant de l’indemnité de sujétions en application des décrets du 28 août 2015 et du 29 août 2016 et qu’ils participent, de par leur mission d’assistance des équipes éducatives, à l’engagement professionnel collectif de ces équipes.
Pas de différence de traitement entre agents publics
Dans sa décision, le Conseil d’Etat réfute l’argumentation traditionnelle de l’Etat selon laquelle la différence de traitement entre agents publics serait justifiée par la particularité de leur statut, leurs conditions de recrutement, et la durée maximale de leur période d’engagement.
Il considère qu’en excluant les assistants d’éducation des catégories de personnels bénéficiant de cette indemnité de sujétions, sans tenir compte de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions, le pouvoir réglementaire a créé une différence de traitement sans rapport avec l’objet du texte qui institue cette indemnité et a méconnu, ainsi, le principe d’égalité.
Par voie de conséquence, le Conseil d’Etat annule la décision de refus du 1er Ministre de modifier le décret du 28 août 2015 et lui fait injonction de modifier les dispositions réglementaires relatives à l’indemnité de sujétions en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d’éducation prioritaire renforcé » et « Réseau d’éducation prioritaire » dans un délai de six mois.
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Source photographie : Marie-Lan Nguyen – Wikipédia