Mur de clôture privé versus remblais publics : quel dommage ?
25 février 2022Fraude et permis de construire modificatif
22 mars 2022L’autorisation d’extraction doit prendre en compte les conditions de circulation des camions
Par un jugement n° 1700806 et a. du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé les arrêtés du 2 juin 2016 et 26 janvier 2021 par lesquels le Préfet des Pyrénées-Atlantiques a autorisé la société Dragages du Pont de Lescar à exploiter pendant 17 ans une carrière à ciel ouvert de graves alluvionnaires sur le territoire de la commune de Carresse-Cassaber à la demande de riverains et d’associations.
Extraction et conditions d’accès de la carrière
La société pétitionnaire a été autorisée à extraire des graves alluvionnaires pour un volume annuel maximum de 300 000 tonnes, seuil abaissé à 100 000 tonnes dans l’attente d’un aménagement routier permettant l’accès à l’autoroute A 64. Jusque-là, la desserte du site était prévue depuis la départementale à partir d’un carrefour aménagé dans le cadre de la création d’une déviation du bourg de Carresse. Ce projet d’aménagement a cependant été abandonné.
La société Dragages du Pont de Lescar a alors adressé au Préfet un porter à connaissance relatif aux modifications des conditions d’accès au site d’exploitation. Par un arrêté complémentaire du 26 janvier 2021, le Préfet des Pyrénées-Atlantiques a entériné le nouveau tracé de la desserte de la carrière et a modifié l’autorisation environnementale initiale.
Par plusieurs requêtes, des agriculteurs, habitants et associations ont demandé l’annulation de ces arrêtés sur le fondement du code de l’environnement.
Installations classées, carrière et sécurité publique
- Le code de l’environnement, cadre de l’autorisation :
- article L. 511-1 :
« Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier ».
- article L. 512-1 :
« Sont soumises à autorisation les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 […] ».
- article L.181-1 :
« L’autorisation environnementale, ]…] est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire : […]
2° Installations classées pour la protection de l’environnement mentionnées à l’article L. 512-1.[…] L’autorisation environnementale inclut les équipements, installations et activités figurant dans le projet du pétitionnaire que leur connexité rend nécessaires à ces activités, installations, ouvrages et travaux ou dont la proximité est de nature à en modifier notablement les dangers ou inconvénients. ».
- article L. 181-3 :
« […] l’autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu’elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ».
- article L. 181-12 :
« L’autorisation environnementale fixe les prescriptions nécessaires au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 […] ».
- L’arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières :
Son article 7 précise que « l’accès à la voirie publique est aménagé de telle sorte qu’il ne crée pas de risque pour la sécurité publique ».
Pouvoirs du Juge administratif et autorisation environnementale :
Il résulte de l’article L. 181-17 du code de l’environnement qu’une autorisation environnementale est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Cela signifie qu’il appartient au Juge du plein contentieux de l’autorisation environnementale :
- d’apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d’autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l’autorisation. Il peut prendre en compte les éventuelles régularisations des irrégularités ayant entaché l’arrêté contesté,
- d’apprécier le respect des règles de fond régissant l’installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce.
Exploitation de carrières, circulation et trafic routier :
En l’espèce, la voie d’accès comprise entre le site d’exploitation et la route départementale est un chemin d’exploitation que la société Dragage du Pont de Lescar peut régulièrement emprunter en sa qualité de riveraine de celui-ci. La carrière n’est donc pas enclavée.
Cependant, les requérants soutenaient que le flux de circulation induit par l’exploitation de la carrière sur le chemin d’accès à la voie publique, dans son tracé final et sa configuration, seulement empierré et d’une largeur réduite par endroit à 2,60 m, présente des risques importants pour la sécurité des usagers et pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 du code de l’environnement. Ils en concluaient que cette circonstance aurait dû conduire le Préfet à refuser la délivrance de l’autorisation d’exploiter la carrière.
Le Tribunal a relevé que :
- le chemin d’accès modifié est constitué, pour moitié, du chemin antérieurement retenu pour autoriser l’exploitation de la carrière, et pour moitié d’un nouvel itinéraire situé dans le prolongement du tracé initial,
- l’ensemble de cette voie d’accès, reliant la carrière à la RD 17 est un chemin d’exploitation au sens de l’article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime,
- cela signifie qu’il s’agit d’une voie privée appartenant aux propriétaires riverains, en l’occurrence regroupés au sein de l’association foncière de remembrement de Carresse-Cassaber.
Il en déduit que :
- d’une part, les aménagements prescrits par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques en vertu de son arrêté initial du 2 juin 2016, alors que le chemin avait été considéré à tort comme un chemin rural, consistant en son élargissement ainsi qu’en la pose d’un revêtement goudronné, pour répondre de manière adaptée à la circulation des camions charriant les matériaux extraits de la gravière et pour limiter les nuisances induites par cet afflux de trafic, ne pouvaient plus être légalement imposés à la société du fait de la nature de la voie,
- d’autre part, les nouvelles prescriptions afférentes à ce chemin sont insuffisantes pour assurer la sécurité de la circulation des camions de transport de matériaux, y compris au rythme le plus faible de 22 à 24 passages par jour ouvré.
Le Juge relève plus précisément que :
- le tracé défini impose deux virages courts à angle droit aux deux extrémités du chemin de liaison Artigues-Arriberot dont la largeur est limitée et ne permet pas, comme pour la grande partie des 3000 mètres de la voie d’accès, un croisement avec un autre véhicule, en particulier les engins agricoles utilisés par les exploitants riverains, difficultés que ne pallient pas utilement, au vu de leur implantation éloignée, les trois aires de croisement aménagées,
- le pont du Gouat qui assure le franchissement du Saleys et les buses qui permettent l’écoulement du ruisseau sous le chemin de liaison Artigues-Arriberot n’ont pas fait l’objet d’une étude sérieuse de leurs capacités techniques à supporter, au-delà d’une circulation saisonnière, les passages de poids lourds à une fréquence aussi élevée que celle induite par l’exploitation de la carrière, de l’ordre de 40 à 45 passages par jour lorsque l’exploitation atteindra son niveau le plus élevé.
Ne pouvant imposer des prescriptions qui affecteraient la propriété privée du chemin d’accès à la voie publique, le Tribunal a considéré que l’autorisation d’exploiter la carrière a été délivrée par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques en méconnaissance des dispositions de l’article L. 511-1 du code de l’environnement et de l’article 7 de l’arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières. Il l’a donc annulée.