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Par un jugement n° 2104873 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du 22 février 2021 par lequel le maire de Grenoble a instauré pour tout utilisateur de produits phytopharmaceutiques, une obligation d’élimination des déchets provenant de leur utilisation et, a restreint, sur le territoire communal, l’utilisation de tels produits aux seuls utilisateurs qui seraient en mesure d’assurer qu’aucun résidu ne se dispersera au-delà de la parcelle traitée, ou si les résidus d’utilisation se disperseraient au-delà de la parcelle traitée, de gérer et d’éliminer le déchet ainsi généré.
Le préfet de l’Isère a déféré cet arrêté à la censure du tribunal administratif lequel a annulé l’arrêté après avoir examiné la question de la compétence respective des différentes autorités administratives, à savoir le maire et l’Etat.
Utilisation des produits phytopharmaceutiques : quel cadre juridique ?
Le tribunal administratif rappelle les différentes dispositions du code rural et de la pêche maritime à prendre en compte, à savoir :
- l’article L. 253-7 : « Sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et des dispositions de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, l’autorité administrative peut, dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. »
- l’article L. 253-8-III : « l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux. […] l’autorité administrative peut, sans préjudice des missions confiées à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, restreindre ou interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones définies au premier alinéa du présent III. »
- l’article R. 253-1 : « Le ministre chargé de l’agriculture est, sauf disposition contraire, l’autorité compétente mentionnée au 1 de l’article 75 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ».
- l’article R. 253-45 : « L’autorité administrative mentionnée à l’article L. 253-7 est le ministre chargé de l’agriculture ».
Le Tribunal rappelle également les termes de l’article 5 de l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime selon lesquels « en cas de risque exceptionnel et justifié, l’utilisation des produits peut être restreinte ou interdite par arrêté préfectoral », ce dernier devant « être soumis dans les plus brefs délais à l’approbation du ministre chargé de l’agriculture ».
Produits phytopharmaceutiques et police spéciale
Au vu de ces dispositions, le tribunal expose que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, confiée à l’Etat et dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en améliorant la production agricole et de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l’état des connaissances scientifiques, incertains.
Il poursuit en indiquant qu’il appartient au ministre chargé de l’agriculture ainsi que, le cas échéant, aux ministres chargés de la santé, de l’environnement et de la consommation, éclairés par l’avis scientifique de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits qui s’avèrent nécessaires à la protection de la santé publique et de l’environnement, en particulier dans les zones où sont présentes des personnes vulnérables.
De plus, l’autorité préfectorale est également chargée, au niveau local et dans le cadre fixé au niveau national :
- d’une part, de fixer les distances minimales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de certains lieux accueillant des personnes vulnérables,
- d’autre part, d’approuver les chartes d’engagements d’utilisateurs formalisant des mesures de protection des riverains de zones d’utilisation des produits et, enfin, en cas de risque exceptionnel et justifié, de prendre toute mesure d’interdiction ou de restriction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessaire à la préservation de la santé publique et de l’environnement, avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l’agriculture.
Produits phytopharmaceutiques et pouvoir de police du maire
Le tribunal administratif poursuit son raisonnement en indiquant que si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre, pour la commune, les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre.
Il juge dès lors que le pouvoir de police spéciale des produits phytopharmaceutiques confié aux autorités de l’Etat fait obstacle à l’édiction, par le maire d’une commune, de mesures réglementaires d’interdiction de portée générale de l’utilisation de ces produits. Or, le maire de la commune de Grenoble a, par l’arrêté contesté, limité sur le territoire de sa commune l’utilisation des produits phytopharmaceutiques aux seuls utilisateurs qui seront en mesure d’assurer qu’aucun résidu ne se dispersera au-delà de la parcelle traitée. Le tribunal considère que le maire a ainsi édicté une réglementation portant sur les conditions générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre.
Sur l’obligation d’éliminer les déchets imposée aux utilisateurs de produits phytopharmaceutiques
L’arrêté du maire de Grenoble décidait de rendre obligatoire l’élimination des déchets générés par l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des pesticides sur le territoire communal et de subordonner leur utilisation à la condition qu’aucun résidu ne se disperse au-delà des parcelles visées, ou, à défaut, que leur utilisateur soit en mesure de gérer et d’éliminer les déchets générés.
Les déchets sont définis par l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ». L’article L. 541-2 du même code prescrit que « tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d’en assurer ou d’en faire assurer la gestion » mais l’article L. 541-3 de ce code réserve à l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente le pouvoir de faire respecter cette obligation.
Ces dispositions combinées ont conduit le tribunal administratif à considérer que :
- si les articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement ont créé un régime juridique destiné à prévenir ou à remédier à toute atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement causée par des déchets,
- et qu’à ce titre, l’article L. 541-3 confère notamment à l’autorité investie des pouvoirs de police municipale la compétence pour prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présentent de tels dangers,
- les dispositions énoncées l’arrêté municipal contesté qui ont pour objet d’imposer aux utilisateurs des produits phytopharmaceutiques qui sont intégralement pulvérisés lors de leur épandage d’éliminer les déchets y afférents, notamment lorsqu’ils se dispersent au-delà de la parcelle traitée, se rapportent aux conditions générales d’utilisation de ces produits qu’il appartient aux seules autorités de l’Etat de prendre.
Dès lors, le tribunal a annulé l’arrêté du maire de Grenoble.