
Camembert ou camembert de Normandie ?
31 mars 2025La protection du milieu naturel justifie l’interdiction des VTT
Par un arrêt n° 24MA00120 du 6 décembre 2024, la cour administrative d’appel de Marseille a eu à examiner la question de l’interdiction de la pratique du vélo tout terrain (VTT) dans certaines parties du Parc national des Calanques.
Par un arrêté du 10 septembre 2020, le Directeur du Parc national des Calanques a interdit la pratique du vélo sur dix parcelles situées dans un vallon, hors une piste de défense contre l’incendie et une section conduisant à un réservoir d’eau.
L’association Mountain Bikers Foundation a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Marseille lequel a rejeté sa requête par un jugement n° 2101124 du 16 novembre 2023. Elle a alors saisi la cour administrative d’appel de Marseille d’un appel.
Qui peut interdire la pratique du VTT dans le Parc national des Calanques ?
La requérante soutenait que le Directeur du Parc national des Calanques ne pouvait pas prendre une mesure d’interdiction sans avoir préalablement consulté le conseil scientifique du Parc dès lors que l’article 4 du décret du 18 avril 2012 créant le Parc Nationale des Calanques prévoit que « les mesures destinées à assurer la protection d’espèces animales ou végétales, d’habitats naturels ou de minéraux ou fossiles dont la conservation s’avère nécessaire sont prises par le directeur de l’établissement public après avis, sauf urgence, du conseil scientifique ».
La cour a considéré que dans les circonstance de l’espèce, l’absence de consultation de ce conseil scientifique n’a pas eu d’influence sur les dispositions de l’arrêté. En effet, des agissements illégaux et répétés de la part de cyclistes ont été répertoriés dans le secteur concerné, à savoir :
- des travaux et aménagements, consistant en la création de sentiers, de virages et de bosses, ont été réalisés de façon illégale au regard des dispositions de l’article L. 331-4 du code de l’environnement, en cœur du parc national, sur le site afin d’y permettre la pratique du VTT « free style ».
- De plus, après avoir alerté certains intervenants sur le secteur de ces difficultés, notamment l’association Mountain Bikers Foundation, et interpellé quelques « aménageurs » pris sur le fait, les équipes de l’établissement public du Parc, ne parvenant pas à remédier à la situation, ont, au cours du mois de septembre 2019, entrepris la destruction de ces aménagements dégradant le site sensible de la sablière d’Anjarre, constitué d’habitats de dunes et pinèdes sur sable.
- Pour autant, il ressort d’un procès-verbal du 11 mai 2020 « Etat des lieux piste VTT illégale Vallon de la Jarre », qu’une piste avec plusieurs tremplins était à nouveau existante à cette date à proximité.
- Enfin, l’établissement public du parc indique qu’à la sortie de l’été 2020, ce type d’aménagement s’est multiplié et la pratique du vélo hors de tout chemin ou sentier s’est développée, malgré la présence de panneaux d’information et l’ouverture de procédures judiciaires.
Dès lors, et dans ces circonstances, la cour a considéré que des mesures complémentaires devaient assurément être prises pour protéger les espèces animales ou végétales et les habitats naturels d’exception du site en cause.
Elle ajoute que la consultation du conseil scientifique constitue un appui scientifique pour le directeur du Parc et non une garantie au bénéfice des usagers de sorte que l’omission de cette consultation n’est pas susceptible d’affecter la compétence de l’auteur de l’arrêté contesté.
Au surplus, la cour relève que ce conseil scientifique a rendu deux mois après l’arrêté un avis favorable au projet de schéma de cohérence des sports et de loisir de nature du territoire qui fixait comme objectif de la pratique du cyclisme « de permettre, en cœur de parc, une pratique douce, familiale, contemplative, en définissant notamment un itinéraire de traversée via des pistes et sentiers autorisés ainsi que quelques boucles de randonnée, et d’interdire les pratiques engagées susceptibles de générer des conflits d’usage, d’augmenter l’érosion, les piétinements de la flore et le dérangement de la faune ».
Dès lors, l’arrêté n’est pas entaché d’illégalité.
Interdiction proportionnée : pas d’atteinte à la liberté d’aller et de venir
S’agissant du moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure d’interdiction, la cour relève que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des constatations que les dommages déplorés par les équipes de l’établissement public résultent bien de l’action de pratiquants de VTT concentrés sur le secteur couvert par l’interdiction, dont la requérante indique elle-même qu’il ne correspond qu’à 150 hectares alors que le territoire du cœur du parc s’étend, en zone terrestre, sur plus 8 500 hectares. Les itinéraires en cause sont d’ailleurs précisément identifiés par cette dernière.
La cour estime que rien n’indique des mesures moins contraignantes auraient pu être prises, alors que les tentatives de conciliation, la suppression passée de certaines installations, ou les verbalisations n’ont pas permis l’arrêt des pratiques litigieuses et qu’il n’est donné aucune indication quant aux sentiers de randonnée, autres que la piste de défense contre l’incendie et la section conduisant à un réservoir d’eau dont l’usage demeure permis, qui auraient pu, sans dommage, rester ouverts à la pratique du vélo.
Dès lors, et dans ces conditions, la cour a considéré que la mesure en cause ne porte pas une atteinte disproportionnée et illégale au principe constitutionnel et conventionnel de la liberté d’aller et venir et ce d’autant plus que :
- le directeur du parc pouvait difficilement circonscrire davantage l’interdiction prononcée,
- si la durée de celle-ci, prononcée pour cinq ans, est longue, l’arrêté prévoit un suivi par relevés naturalistes et une évaluation de la réparation des milieux afin de vérifier l’atteinte des objectifs et de vérifier le maintien sur la durée.
Pas d’atteinte au principe d’égalité : un cycliste n’est pas un randonneur
L’association requérante soutenait que les randonneurs ou les pratiquants d’autres activités de nature se seraient trouvés dans une situation similaire à celle des cyclistes eu égard à l’objet de l’arrêté litigieux qui porte interdiction de la pratique du vélo.
La cour relève que cet arrêté vise seulement à protéger, sur un secteur précis, les espèces animales ou végétales et les habitats naturels des dommages qui leur sont causés du fait du comportement de certains pratiquants de VTT.
Dès lors, la cour a écarté le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance du principe d’égalité de traitement et a rejeté la requête de l’association.
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Sources photographiques :
Wikipédia
Entête : DJ Poldoc
Dans le texte : Pablo Sievert