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12 juillet 2021Le Conseil d’Etat donne six mois au Gouvernement pour interdire l’élevage des poules pondeuses en cages
Par un courrier reçu le 23 décembre 2019, l’association Compassion in World Framing France a demandé au Premier ministre de prendre les mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’article 66 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite Loi EGALIM). Elle a ensuite saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation pour excès de pouvoir du refus implicite qui lui a été opposé, résultant du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande.
Par une décision n° 441660 du 27 mai 2021, le Conseil d’Etat a :
- annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre a refusé de prendre le décret prévu à l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime
- enjoint au Premier ministre de prendre le décret prévu à l’article L. 214 – 11 du code rural et de la pêche maritime dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision
- prononcé une astreinte de 200 euros par jour est prononcée à l’encontre de l’Etat s’il n’est pas justifié de l’exécution de la présente décision dans le délai mentionné
Loi EGALIM et obligation de prendre les mesures nécessaires à son application
- énoncer le principe de l’interdiction des poules pondeuses élevées en cages ne suffit pas
Dans cette décision, le Conseil d’Etat a rappelé que, en vertu de l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre « assure l’exécution des lois » et « exerce le pouvoir réglementaire » sous réserve de la compétence conférée au Président de la République pour les décrets en Conseil des ministres par l’article 13 de la Constitution.
Il rappelle également que l’exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit mais aussi l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi, hors le cas où le respect d’engagements internationaux de la France y ferait obstacle.
- annuler le refus de prendre les mesures d’application de la Loi EGALIM ne suffit pas
Pour assurer l’application de la Loi EGALIM et l’interdiction de l’élevage de poules pondeuses en cages, l’édiction d’un décret avait été prévu. Le Gouvernement ne l’a pas pris et a refusé de le prendre alors que l’association CIWF lui avait adressé une demande en ce sens.
En l’état de cette carence et de ce refus non équivoque, le Conseil d’Etat a estimé que l’annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de prendre le décret pourtant annoncé par la Loi EGALIM ne suffisait pas. C’est ainsi qu’il a jugé que l’effet utile de l’annulation du refus du pouvoir réglementaire de prendre les mesures qu’implique nécessairement l’application de la loi réside dans l’obligation, que le juge peut prescrire d’office en vertu des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, pour le pouvoir réglementaire, de prendre ces mesures.
Il en résulte que lorsqu’il est saisi de conclusions aux fins d’annulation du refus d’une autorité administrative d’édicter les mesures nécessaires à l’application d’une disposition législative, le Juge administratif est conduit à apprécier la légalité d’un tel refus au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.
Loi EGALIM et interdiction des poules pondeuses élevées en cages
Issu de la Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite Loi EGALIM), l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
« La mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses élevées en cages est interdite à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Les modalités d’application du présent article sont définies par décret ».
- qu’est-ce qu’un bâtiment réaménagé ?
Saisi par l’association Compassion in World Framing France, le Conseil d’Etat a considéré, d’une part, que, eu égard à l’incertitude affectant en l’espèce la portée de la notion de « bâtiment réaménagé » d’élevage de poules pondeuses, au sens de ces dispositions législatives en interdisant la mise en production, ces dispositions ne sont pas suffisamment précises pour permettre leur entrée en vigueur en l’absence du décret d’application dont elles prévoient d’ailleurs l’intervention.
- application de la Loi EGALIM et délai raisonnable
Le Conseil d’Etat a considéré, d’autre part, que, à la date à laquelle il a statué, il s’est écoulé plus de deux ans et demi depuis l’entrée en vigueur de la loi EGALIM du 30 octobre 2018. Il a estimé que le retard pris dans l’adoption des dispositions réglementaires nécessaires à l’application de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime, issu de cette loi, excède ainsi le délai raisonnable qui était imparti au pouvoir réglementaire pour prendre le décret prévu à cet article.
Dès lors, le Conseil d’Etat a jugé que l’association CIWF France est fondée à soutenir que la décision du Premier ministre refusant de prendre le décret d’application de l’article L. 214-11 du code rural et de la pêche maritime est illégale et que cette décision doit être annulée.
Pour assurer l’exécution de sa décision, le Conseil d’Etat a enjoint au Gouvernement de prendre le décret dans les six mois faute de quoi il devra acquittée une astreinte de 200 euros par jour de retard.