Loi Littoral et infrastructure de téléphonie mobile
12 juillet 2021Chasse à courre et zones urbanisées
8 septembre 2021La mise en œuvre d’un système de vidéoprotection communal doit respecter les compétences respectives des élus
Par un arrêt n° 19DA01349 du 24 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Douai a rappelé que le conseil municipal est seul compétent pour décider du principe et des modalités de recours à la vidéoprotection dans la commune.
Par un jugement n°1710118 du 9 avril 2019 rendu à la demande de deux conseillères municipales d’opposition, le Tribunal administratif de Lille, a prononcé l’annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Nieppe du 27 septembre 2017. La commune de Nieppe a interjeté appel de cette décision. La cour administrative d’appel de Douai a confirmé ce jugement en précisant ce qui ressort des compétences respectives du Maire et du Conseil municipal, d’une part, et en analysant la portée de la délibération contestée.
Vidéoprotection et pouvoirs du Maire :
La Cour rappelle que la mise en œuvre d’un dispositif de vidéoprotection se fait dans le cadre des pouvoirs de police générale du maire, chargé de la mission de surveillance de la voie publique qui relève de la police municipale, après autorisation du préfet agissant dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale.
Il résulte en effet des dispositions combinées du code général des collectivités territoriales et du code de la sécurité intérieure que :
- le Maire concourt à la politique de prévention de la délinquance (article L. 2211-1 du CGCT)
- le Maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs (l’article L. 2212-1 du CGCT)
- la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique et comprend notamment :
- 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques
- 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (article L. 2212-2 du CGCT)
- le Maire concourt par son pouvoir de police à l’exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance (article L. 132-1 du CSI)
- l’installation d’un système de vidéoprotection dans le cadre du présent titre est subordonnée à une autorisation du représentant de l’Etat dans le département (article L. 252-1 du CSI)
Vidéoprotection et compétence du Conseil municipal
La Cour rappelle également les termes de l’article L. 2121-29 du CGCT selon lesquels « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » et constate au cas d’espèce que la délibération dont la légalité est contestée ne se cantonne pas à une question de police.
- Vidéoprotection et délibération du Conseil municipal
Le Juge d’appel relève ainsi que cette délibération, qui approuve le principe de l’installation d’un dispositif de vidéoprotection sur l’ensemble du territoire de la commune de Nieppe, engage le conseil municipal dans la mise en œuvre de cette politique publique destinée à assurer la sécurité des citoyens et intéresse les affaires de la commune d’un triple point de vue :
- domanial, avec l’installation de cinquante-huit caméras sur le territoire de la commune,
- budgétaire avec un coût prévisionnel estimé de 110 000 euros toutes taxes comprises,
- et de commande publique avec la passation des marchés publics correspondants.
- Déclaration d’intention ou acte décisoire ?
La Cour considère que, dans ces conditions, la délibération de la commune de Nieppe ne saurait être regardée comme une simple déclaration d’intention dépourvue de portée juridique, ni comme un acte préparatoire à la décision préfectorale autorisant l’installation du dispositif en cause.
Elle en déduit que cet acte fait grief et que le recours contentieux dirigé à son encontre par deux membres du conseil municipal est recevable, alors-même que le Maire est seul compétent pour l’exercice des missions de police administrative générale et que l’installation de ce système de vidéoprotection est soumise à l’autorisation préalable du préfet agissant dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, en vertu de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure.
Vidéoprotection et information du Conseil municipal
- sur quoi porte l’information du Conseil municipal ?
La Cour a examiné le contenu de l’information due au Conseil municipal au regard des dispositions du code de la sécurité intérieure et du code général des collectivités territoriales.
D’une part, l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure précise que la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer :
- 1° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords
- 2° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale
- 3° La régulation des flux de transport
- 4° La constatation des infractions aux règles de la circulation
- 5° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants ainsi que la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières […]
- 6° La prévention d’actes de terrorisme
- 7° La prévention des risques naturels ou technologiques
- 8° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie
- 9° La sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attraction.
D’autre part, le code général des collectivités territoriales dispose que :
- dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (article L. 2121-12)
- tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération (L. 212113)
Conformément à une jurisprudence constante, la Cour considère que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour. Elle ajoute que le défaut d’envoi de cette note ou son insuffisance entache d’irrégularité les délibérations prises, à moins que le Maire n’ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat.
La Cour précise que cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.
- Vidéoprotection et contenu de la note explicative de synthèse
En l’espèce, la Cour a considéré que la note explicative de synthèse adressée aux conseillers municipaux dans la perspective de la séance du conseil municipal du 27 septembre 2017 se borne, s’agissant de la mise en place d’un système de vidéoprotection, à mentionner le nombre de caméras projeté et le coût prévisionnel de l’installation du dispositif.
En revanche, cette note explicative ne précise ni la localisation des caméras, ni les espaces publics filmés, ne comporte aucune analyse relative à la situation de la commune de Nieppe en matière de sécurité publique et aux motifs, limitativement énumérés par les dispositions de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure précitées, pouvant fonder le recours à un tel dispositif, et ne fait état d’aucun élément relatif à la conciliation entre les exigences de sécurité et la préservation des libertés publiques, ni concernant les enjeux budgétaires et financiers de l’installation du dispositif en cause.
Les membres du conseil municipal n’ont, ainsi, pas été mis en mesure d’appréhender le contexte ni de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. La délibération du 27 septembre 2017 étant illégale, la Cour a donc rejeté la requête de la commune.