Par un arrêt n° 19DA01349 du 24 novembre 2020, la cour administrative d’appel de Douai a rappelé que le conseil municipal est seul compétent pour décider du principe et des modalités de recours à la vidéoprotection dans la commune.
Par un jugement n°1710118 du 9 avril 2019 rendu à la demande de deux conseillères municipales d’opposition, le Tribunal administratif de Lille, a prononcé l’annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Nieppe du 27 septembre 2017. La commune de Nieppe a interjeté appel de cette décision. La cour administrative d’appel de Douai a confirmé ce jugement en précisant ce qui ressort des compétences respectives du Maire et du Conseil municipal, d’une part, et en analysant la portée de la délibération contestée.
La Cour rappelle que la mise en œuvre d’un dispositif de vidéoprotection se fait dans le cadre des pouvoirs de police générale du maire, chargé de la mission de surveillance de la voie publique qui relève de la police municipale, après autorisation du préfet agissant dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale.
Il résulte en effet des dispositions combinées du code général des collectivités territoriales et du code de la sécurité intérieure que :
La Cour rappelle également les termes de l’article L. 2121-29 du CGCT selon lesquels « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » et constate au cas d’espèce que la délibération dont la légalité est contestée ne se cantonne pas à une question de police.
Le Juge d’appel relève ainsi que cette délibération, qui approuve le principe de l’installation d’un dispositif de vidéoprotection sur l’ensemble du territoire de la commune de Nieppe, engage le conseil municipal dans la mise en œuvre de cette politique publique destinée à assurer la sécurité des citoyens et intéresse les affaires de la commune d’un triple point de vue :
La Cour considère que, dans ces conditions, la délibération de la commune de Nieppe ne saurait être regardée comme une simple déclaration d’intention dépourvue de portée juridique, ni comme un acte préparatoire à la décision préfectorale autorisant l’installation du dispositif en cause.
Elle en déduit que cet acte fait grief et que le recours contentieux dirigé à son encontre par deux membres du conseil municipal est recevable, alors-même que le Maire est seul compétent pour l’exercice des missions de police administrative générale et que l’installation de ce système de vidéoprotection est soumise à l’autorisation préalable du préfet agissant dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale, en vertu de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure.
La Cour a examiné le contenu de l’information due au Conseil municipal au regard des dispositions du code de la sécurité intérieure et du code général des collectivités territoriales.
D’une part, l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure précise que la transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer :
D’autre part, le code général des collectivités territoriales dispose que :
Conformément à une jurisprudence constante, la Cour considère que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d’une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l’ordre du jour. Elle ajoute que le défaut d’envoi de cette note ou son insuffisance entache d’irrégularité les délibérations prises, à moins que le Maire n’ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d’une information adéquate pour exercer utilement leur mandat.
La Cour précise que cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions.
En l’espèce, la Cour a considéré que la note explicative de synthèse adressée aux conseillers municipaux dans la perspective de la séance du conseil municipal du 27 septembre 2017 se borne, s’agissant de la mise en place d’un système de vidéoprotection, à mentionner le nombre de caméras projeté et le coût prévisionnel de l’installation du dispositif.
En revanche, cette note explicative ne précise ni la localisation des caméras, ni les espaces publics filmés, ne comporte aucune analyse relative à la situation de la commune de Nieppe en matière de sécurité publique et aux motifs, limitativement énumérés par les dispositions de l’article L. 251-2 du code de la sécurité intérieure précitées, pouvant fonder le recours à un tel dispositif, et ne fait état d’aucun élément relatif à la conciliation entre les exigences de sécurité et la préservation des libertés publiques, ni concernant les enjeux budgétaires et financiers de l’installation du dispositif en cause.
Les membres du conseil municipal n’ont, ainsi, pas été mis en mesure d’appréhender le contexte ni de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. La délibération du 27 septembre 2017 étant illégale, la Cour a donc rejeté la requête de la commune.