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9 février 2023Un magistrat administratif ne peut être médiateur et rapporteur public dans une même affaire
Par un jugement n° 1800217 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a eu à connaître du règlement d’un marché public passé par une collectivité territoriale. Le tribunal avait antérieurement proposé aux parties une médiation dont le principe avait été accepté par elles. Aucun accord n’ayant été trouvé, la procédure juridictionnelle a repris son cours et a conduit à un jugement dont les deux parties ont interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Paris.
Par un arrêt n° 19PA02362-19PA02373-19PA02866 du 19 octobre 2021, le Juge d’appel a annulé le jugement du 16 mai 2019 comme étant irrégulier après avoir relevé que le rapporteur public auprès de la formation de jugement avait également et antérieurement exercé les fonctions de médiateur dans cette même affaire.
Cet arrêt a été confirmé par le Conseil d’Etat dans une décision n° 459673 du 29 décembre 2022.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de PARIS
Médiateur et magistrat administratif : le principe d’impartialité doit être garanti pour le justiciable
Accueillant l’argumentation de l’administration appelante qui estimait le jugement entaché d’irrégularité, la cour a fondé sa décision d’annulation sur deux textes qui garantissent le principe d’impartialité tant en droit interne qu’en droit européen, qu’il s’agisse du médiateur ou du tribunal.
- l’article L. 213-2 du code de justice administrative dispose que :
Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence.
Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties.
- l’article 6-1 de la CEDH stipule que :
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
L’indépendance et l’impartialité du rapporteur public
Au cas d’espèce, le rapporteur public auprès de la formation de jugement avait exercé les fonctions de médiateur dans le cadre de la même affaire en méconnaissance, selon l’appelante, du principe d’impartialité garanti par l’article L. 213-2 du code de justice administrative (CJA) et par l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
La cour administrative d’appel de Paris a accueilli cette analyse.
- le rapporteur public participe à la fonction de juger
La cour relève que le rapporteur public, qui a pour mission d’exposer les questions que présente à juger chaque recours contentieux et de faire connaître, en formulant en toute indépendance ses conclusions, son appréciation qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu’appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction dont il est membre.
- le doute objectif sur l’impartialité du tribunal
La cour ajoute que la circonstance que le rapporteur public du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ait participé à la médiation organisée préalablement au jugement de l’affaire nonobstant son absence de participation au délibéré qui a suivi l’audience, suffit à faire naître un doute objectivement justifié sur l’impartialité de la formation de jugement et à faire obstacle à ce qu’elle soit regardée comme un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6-1 de la CEDH.
Médiateur et rapporteur public : c’est l’un ou l’autre
Au terme de son raisonnement, la cour a donc annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en explicitant les conditions objectives permettant de garantir l’impartialité et l’indépendance du tribunal : un magistrat administratif ne peut pas être successivement médiateur et rapporteur public dans une même affaire.
La décision du Conseil d’Etat
Par une décision n° 459673 du 29 décembre 2022, le Conseil d’Etat saisi d’un pourvoi par la requérante initiale a confirmé l’arrêt de la Cour administrative d’appel du 19 octobre 2021.
Code de justice administrative et médiation :
La décision rappelle qu’aux termes :
- de l’article L. 213-1 du code de justice administrative :
« La médiation régie par le présent chapitre s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ».
- de l’article L. 213-2 du code de justice administrative :
« Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l’accord des parties […] ».
Médiation, impartialité et rapporteur public :
Dans sa décision du 29 décembre 2022, le Conseil d’Etat a jugé que, eu égard aux conditions d’intervention du médiateur prévues par les dispositions précitées, le principe d’impartialité s’oppose à ce qu’un magistrat administratif choisi ou désigné comme médiateur, en application de l’article L. 213-1 du code de justice administrative, participe à la formation de jugement chargée de trancher le différend soumis à la médiation ou conclue comme rapporteur public sur celui-ci.
Il précise ainsi que lorsqu’un magistrat administratif a été choisi ou désigné comme médiateur, le principe d’impartialité s’applique non seulement au magistrat administratif qui participe à la formation de jugement chargée de trancher le jugement, mais également au magistrat qui prononce des conclusions en qualité de rapporteur public sur le différend qu’il a eu à connaître comme médiateur.
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat en déduit que c’est sans commettre d’erreur de droit que la cour administrative d’appel de Paris a annulé pour irrégularité le jugement du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie au motif qu’un magistrat de ce tribunal avait exercé successivement les fonctions de médiateur et de rapporteur public dans l’affaire en cause.
Cette décision rendue par deux chambres réunies sera publiée aux Tables du Recueil Lebon.
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