
Maire malgré lui
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Panneaux photovoltaïques en zone naturelle
10 février 2025Annulation d’une charte d’engagement agricole pour information insuffisante des riverains
Par une décision n° 24VE00659 du 29 novembre 2024, la CAA de Versailles a eu à examiner les conditions dans lesquelles une charte d’engagement agricole définit les modalités d’information préalables des résidents et des personnes présentes à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ou phytosanitaires.
Par un arrêté du 26 juillet 2022, la Préfète du Loiret a approuvé la charte départementale d’engagements des utilisateurs agricoles des produits phytopharmaceutiques. Sur demande d’une requérante individuelle et par un jugement n° 2204356 du 8 janvier 2024, le tribunal administratif d’Orléans a annulé cet arrêté
Produits phytopharmaceutiques et charte départementale d’engagements
L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime dispose que :
« A l’exclusion des produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 253-6, des produits composés uniquement de substances de base ou de substances à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments est subordonnée à des mesures de protection des personnes habitant ces lieux ».
Il précise que :
« Ces mesures tiennent compte, notamment, des techniques et matériels d’application employés et sont adaptées au contexte topographique, pédoclimatique, environnemental et sanitaire. Les utilisateurs formalisent ces mesures dans une charte d’engagements à l’échelle départementale, après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées avec un produit phytopharmaceutique ».
Produits phytopharmaceutiques et mesures de protection
Selon la Cour, il résulte de ces dispositions que, lorsque les produits phytopharmaceutiques sont utilisés à proximité des zones d’habitation, cette utilisation est subordonnée aux mesures de protection contenues dans des chartes d’engagements des utilisateurs, approuvées par l’autorité administrative lorsqu’elle constate que les mesures qui y sont inscrites sont suffisantes pour protéger les personnes habitant à proximité des zones traitées. Ces chartes doivent nécessairement faire l’objet d’une décision de l’autorité administrative pour produire des effets juridiques. La charte avait ainsi été approuvée par arrêté préfectoral.
Le Juge d’appel fonde sa décision sur l’article D. 253-46-1-2 du code rural et de la pêche maritime selon lequel l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est réalisée dans le cadre de chartes d’engagements des utilisateurs qui intègrent au moins les mesures de protection suivantes :
- des modalités d’information des résidents ou des personnes présentes au sens du règlement (UE) 284/2013
- les distances de sécurité et les mesures apportant des garanties équivalentes définies en application de l’article L. 253-7
- des modalités de dialogue et de conciliation entre les utilisateurs et les habitants concernés
- des modalités d’information des résidents et des personnes présentes au sens du règlement (UE) n° 284/2013 préalables à l’utilisation des produits ;
Les chartes peuvent également inclure :
- le recours à des techniques ou moyens de réduction de la dérive ou de l’exposition des résidents ou des personnes présentes au sens du règlement (UE) 284/2013
- des bonnes pratiques pour l’application des produits phytopharmaceutiques
- des modalités relatives aux dates ou horaires de traitements les plus adaptés
- des modalités pratiques d’application des distances de sécurité ou de déploiement de mesures anti-dérives.
Au cas d’espèce, le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel ont estimé que la charte qui avait été approuvée par la Préfète du Loiret n’était pas suffisamment précise quant aux modalités d’information préalables à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques des résidents et des personnes présentes.
Produits phytopharmaceutiques, charte d’engagements et modalités d’information préalables
Dans la présente affaire, l’arrêté litigieux prévoyait, au titre des modalités d’information préalables des résidents et des personnes présentes, un dispositif collectif et un dispositif individuel. Au titrede chacun de ces dispositifs, la charte indiquait que :
- le dispositif collectif peut reposer sur un bulletin mis en ligne sur le site de la Chambre d’agriculture s’appuyant notamment sur les bulletins de santé des végétaux s’ils existent et actualisé à plusieurs reprises pendant la campagne culturale.
La Charte énumère les cultures couvertes par ces bulletins.
- le dispositif individuel tel que décrit par la charte prévoit qu’il repose sur chaque utilisateur procédant à des traitements, avant toute réalisation d’un traitement phytopharmaceutique.
Elle indique que cette modalité individuelle doit permettre à toute personne à proximité de la zone traitée, résident ou personne présente, d’avoir connaissance du moment effectif où intervient la réalisation d’un traitement et que différents moyens de type visuel ou numérique peuvent être mis en œuvre, seuls ou en association. Il peut s’agir par exemple de l’utilisation du gyrophare sur le tracteur.
La Cour a considéré que :
- le dispositif collectif repose exclusivement sur la mise en ligne facultative d’un bulletin et ne prévoit ni une information effective suffisamment fine des périodes d’intervention pour chaque culture, ni le recours à un mode de publication alternatif en l’absence d’une telle mise en ligne.
- au titre du dispositif individuel, si les termes de la charte rappellent le caractère obligatoire de l’information des résidents et des personnes présentes, ils n’en fixent pas les modalités en se bornant, sans autre précision, à indiquer que l’utilisateur de produits phytopharmaceutiques peut utiliser différents dispositifs, de type visuel ou numérique, alors que l’article D. 253-46-1-2 impose que les chartes d’engagements intègrent des modalités d’information préalables lesquelles constituent des mesures de protection.
Ainsi, si la charte précise qu’il peut s’agir d’un gyrophare, un tel dispositif, qui ne constitue pas, en toute hypothèse, une information préalable à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, ne saurait être regardé comme suffisant
Dès lors, la Cour a considéré que l’arrêté préfectoral était entaché d’illégalité
Elle a donc confirmé le jugement de 1ère instance et a rejeté la requête du Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.