Eoliennes, paysage et littérature
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17 novembre 2023De possibles dérogations au code de l’urbanisme
Par une décision n° 464202 du 13 octobre 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, adoptée sur le fondement de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Le Conseil d’Etat a été saisi par l’association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France d’une demande d’annulation de l’ordonnance du 6 avril 2022 et d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Le Conseil d’Etat a rejeté la requête.
Pas de question prioritaire de constitutionnalité
Le Conseil d’Etat a rejeté la demande de QPC car si les dispositions contestées donnent aux autorités compétentes de l’Etat le pouvoir de s’opposer à une opération de relocalisation dérogeant aux dispositions du code de l’urbanisme relatives aux zones littorales, ces dispositions ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution) une atteinte qui excèderait la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les nécessités de protection de l’espace particulièrement sensible que constitue le littoral.
Le Conseil d’Etat a également considéré que les questions de constitutionnalité soulevées par les requérantes ne sont pas nouvelles et ne présentent pas de caractère sérieux, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte
. Sur la compétence du Gouvernement :
Le Conseil d’Etat relève qu’aux termes l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le Gouvernement a été autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de définir ou d’adapter les outils d’aménagement foncier et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en ajustant les missions des gestionnaires de foncier public et en définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, tout en prenant en compte l’état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d’expropriation et les mesures d’accompagnement.
Il en résulte que le législateur a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte et que, dès lors, l’ordonnance contestée pouvait prévoir que pour tous les biens situés dans une zone exposée au recul du trait de côte, y compris ceux concernant par l’expropriation pour risques naturels majeurs, les modalités d’évaluation soient celles prévues à l’article L. 219-7 du code de l’urbanisme issu de l’article 1er de cette même ordonnance.
Le moyen tiré de l’incompétence a donc été rejeté.
. Sur le principe d’égalité :
Les requérantes contestaient le fait que soit prévu un mécanisme d’évaluation propre aux biens soumis au recul du trait de côte, et ce en méconnaissance du principe d’égalité selon elles.
Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen au motif que le propriétaire d’un bien soumis à l’érosion côtière est placé dans une situation différente de celle des propriétaires de biens soumis à d’autres risques naturels majeurs.
. Sur la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte :
Les associations requérantes soutenaient que l’ordonnance aurait dû expressément prévoir de prendre en compte, au titre de la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, l’état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que les mesures d’accompagnement.
Le Conseil d’Etat a considéré que ce moyen devait être écarté car les dispositions de l’article L. 219-7 du code de l’urbanisme issues de l’ordonnance contestée respectaient les termes de la Loi d’habilitation en prévoyant que la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte se ferait « en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte ».
Sur le bail réel immobilier
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant de la loi et permettant « de créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, par lequel un bailleur consent à un preneur des droits réels en contrepartie d’une redevance foncière, en vue d’occuper ou de louer, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments situés dans des zones exposées au recul du trait de côte ou à des risques naturels aggravés par le changement climatique ».
Le régime de ce bail réel immobilier a été prévu par l’ordonnance contestée.
Pour autant, les requérantes soutenaient que ce régime ferait peser sur la collectivité publique le coût de la renaturation et de la dépollution en fin de bail et que cela serait contraire au principe général du droit dit du « pollueur-payeur » faisant obligation au preneur de remettre les lieux en l’état et à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.
Le Conseil d’Etat écarte ce moyen au motif qu’aucun principe général du droit n’implique qu’il incomberait nécessairement au preneur à bail réel immobilier de remettre les lieux en l’état et que les dispositions de la directive transposées dans le code de l’environnement, ne sont pas applicables au bail réel immobilier institué par l’ordonnance.
Au surplus, il résulte des dispositions des articles L. 321-21 et L. 321-25 du code de l’environnement que le coût de la renaturation et de la dépollution du terrain pourra être pris en charge par le preneur à bail dès lors qu’il est possible de prévoir des clauses imposant au preneur à bail de procéder à la renaturation et à la dépollution du terrain, et que le montant de la redevance et du prix à verser à la signature du bail est calculé pour tenir compte des coûts prévisionnels pour assurer la réalisation de l’ensemble des actions ou opérations permettant la renaturation du terrain d’assiette du bien à l’expiration du bail.
Sur les possibilités de déroger aux dispositions du code de l’urbanisme propres au littoral
Les associations requérantes contestaient les possibilités de dérogations au code de l’urbanisme lesquelles autorisent, en vue de la relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte, qu’il soit dérogé aux dispositions du code de l’urbanisme relatives au littoral, sous réserve :
- d’une part, de la signature d’un contrat de projet partenarial d’aménagement prévoyant une opération d’aménagement ayant pour objet de mettre en œuvre la recomposition spatiale du territoire des communes concernées
- d’autre part, de l’accord du représentant de l’Etat.
Le Conseil d’Etat relève que :
- la Loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a autorisé le Gouvernement à prévoir des dérogations limitées et encadrées lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de relocalisation durable des constructions situées dans les zones d’exposition au recul du trait de côte.
- les dispositions contestées constituent des dérogations limitées et encadrées aux dispositions du code de l’urbanisme relatives au littoral.
Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil d’Etat a rejeté la requête l’association nationale des élus du littoral et de l’association des maires de France.
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Sources photographiques :
Photo Biarritz : Wikipédia – Auteur Cham
Photo Dune du Pyla : Wikipédia – Auteur Larrousiney