Par un jugement n° 2004418 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les arrêtés du Département de l’Hérault qui avait décidé d’augmenter la vitesse maximale de 80 à 90 km/h sur 25 portions de routes départementales.
Par 25 requêtes enregistrées le 9 octobre 2020, la Ligue Contre la Violence Routière de l’Hérault (LCVR 34) a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer l’annulation des 25 arrêtés du Président du Département de l’Hérault du 23 juillet 2020 règlementant à 90 km/h la vitesse des véhicules circulant sur ces itinéraires.
Le décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 en tant qu’’il réduisait la vitesse autorisée à 80 km/h sur de nombreuses voies a fait l’objet de contestations de la part de certains élus locaux et de certains conducteurs, tant par des déclarations que par des recours contentieux. Ces recours ont tous été rejetés par le Conseil d’Etat (voir notamment : CE, 5ème et 6ème ch. réunies, 24 juillet 2019, Ligue de défense de conducteurs, req. n° 421603, T. Rec. – CE, ord. (3 espèces), 25 juillet 2018, req. n° 421816 – n° 422147 – n° 421704).
A la demande de certains élus locaux, la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, a créé l’article L. 3221-4-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) aux termes desquels :
« Le président du conseil départemental ou, lorsqu’il est l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/ h à celle prévue par le code de la route. Cette décision prend la forme d’un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées ».
Par délibération n° AD/240619/A/10 en date du 24 juin 2019, l’assemblée départementale a approuvé le retour à 90 km/h sur certaines sections de routes départementales et par arrêtés du 23 juillet 2020 le Président du Département de l’Hérault a relevé la vitesse maximale des véhicules à 90 km/h.
Pour justifier l’augmentation de 80 à 90 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les 25 itinéraires concernées de routes départementales, les arrêtés litigieux énonçaient de manière identique que certaines portions de ces routes « présentent toutes les caractéristiques requises pour relever la vitesse à 90 km/h ».
La LCVR 34 soutenait qu’il s’agissait d’une rédaction stéréotypée et qu’elle ne permettait pas de comprendre les raisons précises ayant rendu possible, au regard notamment de l’accidentalité, le relèvement de la vitesse maximale autorisée à 90 km/h. Selon elle, les arrêtés méconnaissaient l’obligation de motivation exigée par l’article L. 3221-4-1 du CGCT.
En effet, la motivation ne se réduit pas à une obligation purement formelle de présentation d’une décision. La motivation d’un acte, surtout s’il est règlementaire, doit permettre de connaître le raisonnement et les motifs qui ont conduit l’auteur de l’acte à prendre la décision administrative.
Le tribunal a suivi cette argumentation en considérant que les arrêtés contestés, qui présentent un caractère règlementaire, n’étaient pas suffisamment motivés. Pour ce motif, il a prononcé leur annulation.
Le tribunal administratif de Montpellier a assorti sa décision d’annulation d’un effet différé en application de la décision d’Assemblée du Conseil d’Etat n° 255886 du 11 mai 2004 dite «Association AC ! et autres » selon laquelle :
– l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu
– toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au Juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération :
– il revient au Juge d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.
Le Juge administratif doit examiner cette possibilité exceptionnelle au vu des circonstances propres à chaque espèce, et notamment comme le lui demandait la LCVR 34, de prendre en considération l’accidentologie et les impératifs de la sécurité routière.
S’agissant du retour à la limitation de vitesse à 80 km/h, le tribunal administratif de Montpellier a considéré que :
Le Département de l’Hérault ne dispose donc que d’un délai de quelques semaines pour déposer les panneaux de limitation de vitesse à 90 km/h ce qui ne constitue pas une opération très complexe ou nécessitant de longs délais.
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Lire sur le site du Tribunal Administratif, le jugement du 5 avril 2022
Lire l’article du Midi Libre : « Hérault la justice va-t-elle imposer le retour des 80 km/h sur toutes les routes ? » – Article du 23/03/2022
Lire l’article du Midi Libre : « Hérault : les routes à 90 km/h c’est fini, la justice ordonne le retour à 80km/h dans tout le département » – Article du 05/04/2022
Source photographique de notre article : Marc Mongenet – Wikimédia