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10 juillet 2019Les astreintes à domicile des sapeurs-pompiers professionnels loges en caserne doivent être comptabilisés comme du travail effectif
Par un arrêt n° 17BX00972 du 27 mai 2019, la cour administrative d’appel de Bordeaux a été amenée à examiner la question de la prise en compte des heures de garde et d’astreinte à domicile dans le calcul du temps de travail, et ce pour les sapeurs-pompiers logés en caserne. Au cas d’espèce, elle a jugé illégale la délibération du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Vienne contraignant les sapeurs-pompiers professionnels logés en caserne à réaliser un total d’heures de garde et d’astreinte à domicile, supérieur au plafond semestriel de temps de travail de 1 128 heures prévu par le décret du 31 décembre 2001.
Par une délibération du 20 décembre 2013, le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Vienne avait approuvé, à compter du 1er février 2014, la modification des dispositions de son règlement intérieur relatives au régime du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde. Le tribunal administratif de Limoges avait considéré que cette délibération était légale. Le syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Vienne a interjeté appel de ce jugement.
Pour infirmer le jugement de 1ère instance, la cour s’est fondée sur le décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001, dont l’article 3 dispose que le temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. Elle s’est également fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui interprète la notion de temps de travail, au sens de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003, comme s’appliquant à une situation dans laquelle un travailleur se trouve contraint de passer la période de garde à son domicile, de s’y tenir à la disposition de son employeur et de pouvoir rejoindre son lieu de travail dans un délai de huit minutes (CJUE 21.02.2018, C-518/15, Ville de Nivelle c. Rudy Matzak).
Faisant application de cette jurisprudence au cas dont elle était saisie, la Cour a considéré que la délibération contestée, en ce qu’elle contraint les sapeurs-pompiers professionnels logés en caserne à effectuer des périodes d’astreinte au cours desquelles ils ne sont pas autorisés à quitter la caserne et doivent être en mesure de partir en intervention dans les trois minutes suivant leur appel, implique que les agents se tiennent à la disposition permanente et immédiate de leur employeur. Elle en a conclu que ces heures d’astreinte doivent être comptabilisées dans leur intégralité comme du temps de travail, au sens de la directive n°2003/88/CE.
En l’espèce, la délibération contestée prévoyant, en plus de 960 heures de garde par semestre, un total de 360 heures d’astreinte à domicile qu’il convient d’ajouter, la Cour a constaté que le total du temps de travail effectif par semestre, de 1320 heures, excède le plafond autorisé par l’article 3 du décret du 31 décembre 2001. Dès lors, la Cour a prononcé l’annulation de la délibération du 20 décembre 2013 en tant qu’elle ne comptabilise pas les 360 heures d’astreinte à domicile des sapeurs-pompiers professionnels logés comme du temps de travail effectif et a réformé le jugement du tribunal.
Cette décision rappelle l’importance du droit européen dans les contentieux de droit public en général et du droit de la fonction public en particulier.
Source photographique : Wikipédia – Jejecam [CC BY-SA 3.0]