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16 janvier 2020Le juge administratif condamne l’État à réparer les conséquences dommageables de la pollution au plomb d’un terrain
Par une décision n° 1708503 du 31 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné l’État à indemniser des particuliers des conséquences dommageables de la pollution au plomb de leur propriété.
Les requérants sont propriétaires d’un ancien moulin rénové sur le territoire de la commune de Les Salles, qui se trouve dans le périmètre de l’ancien secteur minier de Saint-Martin-la-Sauveté (Loire). Une étude sanitaire et environnementale provisoire de 2014, confortée en 2016, portant sur ce secteur a mis en évidence une contamination significative au plomb de leur propriété, notamment du terrain et de la cave de leur habitation.
Ils ont demandé la condamnation de l’État à les indemniser des préjudices qu’ils estiment avoir subis.
La responsabilité de l’État en matière minière
Pour statuer sur la responsabilité de l’État, le tribunal administratif s’est fondé sur les dispositions de l’article L. 155-3 du code minier qui instaure un régime particulier de responsabilité et dont il résulte que, l’État se porte garant pour la réparation des dommages causés par l’activité minière dès lors que l’exploitant, l’explorateur ou le titulaire du titre minier tenu pour responsable de ces dommages a disparu ou qu’il est jugé défaillant.
En l’espèce, le site du moulin a accueilli de 1730 à 1844 une fonderie qui traitait thermiquement le minerai extrait de mines situées à proximité, mines qui ont cessé d’être exploitées en 1896. Le bâtiment voisin, un ancien moulin, a été transformé par les requérants en maison d’habitation à compter de 2009. Une étude de 2014 et 2016 et un arrêté préfectoral de 2016 ont révélé que le terrain attenant au bâtiment abritant la fonderie et à leur habitation comporte un dépôt de résidus miniers issus d’un remblaiement effectué avec des stériles en provenance des mines de plomb voisines.
Cette contamination affecte le terrain et la cave des requérants qui sont distincts de l’ancienne fonderie. Ainsi, selon le tribunal administratif, le plomb contenu dans les sols, et la pollution que sa présence occasionne, proviennent, non pas de l’exploitation industrielle de la fonderie, comme le soutenait le préfet, mais du remblaiement du terrain avec des déchets ayant pour origine l’activité minière alors exploitée dans le secteur.
Dès lors, le tribunal a jugé que la pollution invoquée par les requérants apparaît comme directement en lien avec cette activité. Dans ces circonstances, et alors que l’ancien exploitant minier, ou toute autre personne susceptible d’être tenue pour responsable, a aujourd’hui disparu, les intéressés étaient fondés, en application de l’article L. 155-3 du code minier, à solliciter la garantie de l’État en réparation des dommages subis du fait de cette activité minière.
Les préjudices indemnisables
Le tribunal a distingué le droit à être indemnisé selon les préjudices qui étaient invoqués par les demandeurs.
- Pas d’indemnisation pour perte de valeur vénale :
Le tribunal administratif a refusé de faire droit à la demande d’indemnisation des requérants au titre de la perte de valeur vénale du bien. Il a considéré que la valeur vénale telle qu’elle résulte de l’estimation immobilière versée aux débats ne tient pas compte de la contamination du terrain par le plomb depuis la fin du 19ème siècle, et qui, bien que révélée récemment, préexistait.
Le juge en a déduit que la propriété des requérants n’a pu, de ce fait, acquérir la valeur qu’ils lui prêtent. Il n’a cependant pas pu statuer sur une éventuelle indemnisation correspondant aux frais de dépollution du site car cette demande ne lui a pas été présentée.
- Indemnisation des troubles de jouissance du bien et des troubles dans les conditions d’existence des requérants et de leurs enfants
Le remblaiement du terrain avec des stériles issus de l’activité minière a entraîné une pollution au plomb mise en évidence dès 2014. En 2016, le préfet de la Loire a instauré des restrictions sanitaires d’utilisation, de mise sur le marché et la surveillance des productions animales et végétales issues des parcelles appartenant aux requérants. De la sorte, toute activité agricole s’est trouvée interdite, ainsi que la consommation et la cession de toute production d’un éventuel jardin potager, dont la culture est déconseillée.
Les requérants devaient également suivre de strictes recommandations sanitaires générales, telles que l’interdiction de laisser les enfants jouer dans la terre, éviter ou limiter la consommation de fruits et légumes issus de leur jardin. Il était pareillement préconisé de supprimer l’exposition des résidents aux suies et cendres de la cave de la maison d’habitation ainsi qu’au sol du jardin ornemental, et d’interdire l’usage des eaux du plan d’eau agrémentant le jardin.
Dès lors, le tribunal a condamné l’État à indemniser les requérants pour les troubles de jouissance de leur bien et pour les troubles dans leurs conditions d’existence subis depuis la mise en lumière du phénomène de pollution.
Cette décision met en lumière le régime de responsabilité spécifique découlant du droit minier tout en suivant les règles classiques du droit public en matière d’indemnisation des préjudices.