Classement des grands crus de l’AOC Saint-Émilion
22 juillet 2019Pas de titre minier sans capacités financières
30 juillet 2019Droit de l’environnement et pollution de l’air : l’État doublement fautif
Par deux jugements rendus en moins d’un mois, les tribunaux administratifs de Montreuil et de Paris ont reconnu la carence fautive de l’État en matière de pollution de l’air en raison de l’insuffisance des mesures prises pour réduire la présence de dioxyde d’azote et de particules fines.
Pollution de l’air : dépassement des valeurs limites
Le tribunal administratif de Montreuil juge insuffisantes les mesures prises par l’Etat pour remédier au dépassement des valeurs limites de gaz polluants.
Par un jugement n° 1802202 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par une ancienne habitante de Seine-Saint-Denis agissant en son nom propre et au nom de sa fille mineur, a jugé que l’État a commis une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air pour remédier au dépassement, entre 2012 et 2016, dans la région Ile-de-France, des valeurs limites de concentration de certains gaz polluants.
Le tribunal a constaté que les seuils de concentration de certains gaz polluants ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et 2016 dans la région Ile-de-France. Il en a déduit que le plan de protection de l’atmosphère pour l’Ile-de-France adopté le 7 juillet 2006 et révisé le 24 mars 2013, ainsi que ses conditions de mise en œuvre, étaient insuffisants au regard des obligations fixées par la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 telles que transposées dans le code de l’environnement.
En conséquence le tribunal a jugé que l’insuffisance des mesures prises pour remédier au dépassement des valeurs limites était constitutive d’une carence fautive susceptible d’engager la responsabilité de l’État. Cela signifie que si le dépassement des valeurs limites ne peut constituer, à lui seul, une carence fautive de l’Etat en matière de lutte contre la pollution atmosphérique, l’insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d’une telle carence.
A l’inverse, s’agissant des services déconcentrés de l’Etat, le tribunal a jugé que le préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris, n’a pas commis de faute puisqu’il a pris suffisamment rapidement les mesures d’urgence pour lutter contre l’épisode de pollution de décembre 2016.
C’est ainsi qu’il avait pris plusieurs mesures comme :
- la circulation alternée,
- l’édiction de prescriptions particulières dans les autorisations d’exploitation des installations classées pour la protection de l’environnement,
- l’interdiction de l’utilisation du bois de chauffage individuel,
- la restriction de l’utilisation de groupes électrogène.
Réduction de la pollution, des mesures insuffisantes !
Le tribunal administratif de Paris juge insuffisantes les mesures prises pour réduire rapidement les valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air
Par trois jugements n° 1709333-1810251-1814405 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris, saisi par trois requérants résidant à Paris depuis plus de vingt ans et souffrant de problèmes respiratoires, a également reconnu la carence fautive de l’État en raison de l’insuffisance des mesures prises en région Ile-de-France pour réduire, le plus rapidement possible, les valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air. Il a relevé l’insuffisance des plans relatifs à la qualité de l’air en Ile-de-France alors que la directive européenne du 21 mai 2008 dite « Air pur pour l’Europe » impose aux États membres de veiller à ce que les niveaux de certains polluants dans l’air ambiant ne dépassent pas des valeurs limites à partir de dates précises. En cas de dépassement, les États membres doivent établir des plans relatifs à la qualité de l’air qui prévoient des mesures appropriées pour que cette période de dépassement soit la plus courte possible.
Alors que l’État est soumis à cette obligation de résultat transposée dans le code de l’environnement, le tribunal administratif a constaté que les valeurs limites de concentration en particules fines et en dioxyde d’azote ont été dépassées de manière récurrente en Ile-de-France pour la période comprise entre 2012 et 2016. Le plan de protection régional de l’atmosphère, adopté le 7 juillet 2006 puis révisé en 2013 et en 2018, prévoit une diminution des seuils de pollution d’ici 2020 et un passage en deçà des valeurs limites européennes à l’horizon 2025. Eu égard à la persistance des dépassements observés dans la région, ce plan et ses conditions de mise en œuvre ont été regardés comme ne permettent pas de réduire le plus rapidement possible les valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans l’air.
En Droit public : démontrer la faute et le préjudice
Pas d’indemnisation des requérants faute de démonstration du lien de causalité
Dans tous les cas, la carence fautive de l’État au regard du droit de l’environnement a été reconnue. Cependant, les demandes indemnitaires des requérants n’ont pas été accueillies car ils ne démontraient pas que leurs pathologies ou leur aggravation résultaient directement de l’insuffisance des mesures prises par l’État. C’est une solution classique qui découle des règles de droit public lesquelles exigent que soient démontrés une faute de l’administration, un préjudice de la victime et un lien de causalité entre les deux.